Sciences humaines et arts, photographie de Billy Mann et de sa fille, Larry Clark, 1963, hommage posthume, recueil Tulsa
Je vais vous présenter une photographie de Billy Mann et sa fille prise par Larry Clark en 1963 et publiée dans le recueil Tulsa en 1971.
Cette photographie s'inscrit dans un phénomène nouveau débutant dans les années 50. Ce phénomène, c'est l'apparition de la culture jeune aux États-Unis et en Europe avec une démarcation par ses convictions, son langage et son comportement.
Le photographe et cinéaste américain Larry Clark s'identifie à cette jeunesse américaine. Né en 1943, il a étudié entre 1961 et 1962 à la Layton School of Art de Milwaukee. Durant ces mêmes années, il commence à photographier un groupe de jeunes marginaux de Tulsa dans l'Oklahoma, en 1963, en 1968
et enfin en 1971. Ces quelque 50 photos, constituant une chronique de ces jeunes à la dérive, sont publiées dans Tulsa en 1971 par Lustrum Press. L'une des figures mises à l'honneur est notamment Billy Mann, qui apparaît en couverture. Ainsi, cet ouvrage est posé d'office comme un hommage à sa mémoire et à son mode de vie. Tulsa est l'œuvre de Clark la plus autobiographique, car elle brosse tel un journal intime le tableau de sa jeunesse, de ses rencontres…
[...] Si la photographie semble pour l'essentiel consacrée à Mann, l'enfant, lui, ne semble pas avoir sa place ici. Contenu dans un espace distinct de Mann, il est clairement mis à l'écart. En effet, symbole d'innocence et de pureté, l'enfant s'oppose au monde auquel appartient Mann, il est paradoxalement dans l'ombre, ce qui suggérerait qu'il est victime de cet état d'esprit et de ce monde. De plus, chacun évolue dans son espace propre. En effet, Mann se situe dans la moitié supérieure de la photographie, sa fille dans la partie inférieure. [...]
[...] On a l'impression qu'il s'agit d'un portrait de Mann : on le voit en buste, de profil et surtout Mann est au centre et il occupe une majeure partie de l'espace. Outre le portrait de Mann, la photo semble également donner une certaine importance à d'autres éléments : tout d'abord la cigarette, puis l'enfant. La cigarette a une place importante, tout en Mann renvoie vers cette cigarette (sa main, son visage, son regard) et elle est placée sur la ligne des tiers, qui est une ligne forte en photographie. [...]
[...] Cela est renforcée par la position des antagonistes, l'un est vertical, l'autre horizontal, Mann est quasiment de profil alors que sa fille fait face à l'objectif. D'ailleurs, Barthes parle de regard photographique c'est-à-dire le regard de celui qui est dans la photographie. Ici, on a une opposition entre Mann, pris comme s'il s'agissait d'un portrait, mais qui regarde à droite et l'enfant à l'horizontal qui fixe le spectateur. Selon Barthes, c'est le sujet photographié qui retient l'attention, on peut finalement se demander s'il s'agit de Mann ou de l'enfant. [...]
[...] Outre la dimension autobiographique, Tulsa est également un hommage posthume à Mann, mort l'année de la sortie de Tulsa. Clark lui donne une grande importance. Il apparaît d'office en couverture tenant une arme. L'hommage à son ami et surtout à son mode de vie est d'autant plus évident avec l'épitaphe qui accompagne la photo La mort est plus parfaite que la vie Ensuite, Mann apparaît de façon récurrente dans l'ouvrage. Clark s'est concentré surtout sur le visage de Mann. Cheveux noirs coiffés en arrière, le visage anguleux. [...]
[...] Ce contraste de noir et blanc véhicule une certaine violence. Ensuite, on a une évocation de l'addiction avec la cigarette. A travers cette photographie, Clark ne dépeint pas seulement un marginal, mais il tire le portrait d'un de ses amis proches, Billy Mann. Sans titre (Billy Mann et sa fille) : portrait de Billy Mann Clark a fait un portrait de Mann, un ami au sein de son groupe. Christian Caujolle a d'ailleurs dit à propos de l'intime photographié : L'intime ici, c'est la marche émue de quelques regards généreux de leur trouble, une manière de laisser la lumière décrire un bref détour sur un lieu, une chose, un espace ou un corps que l'on aime Il y a bien une sorte d'intimité créée entre le modèle et le photographe. [...]
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