Nous allons étudier ici la mosaïque du Seigneur Julius. Elle est datée de la fin du IVe siècle de notre ère (probablement entre 360 et 380) voire du début du Ve siècle. Elle fut découverte en 1920 par A. Merlin dans une habitation d'un riche quartier résidentiel de Carthage, en contrebas de la colline de Byrsa. Elle est actuellement conservée au Musée du Bardo à Tunis (Tunisie). Elle mesure 4.50 x 5.65 mètres et est une mosaïque de pavement. Son état de conservation est globalement bon. Les lacunes ont été comblées par des raccords lisses nettement visibles.
Dans un premier temps, nous décrirons la mosaïque, registre par registre. Dans un second temps, nous l'analyserons. Pour cela, nous interpréterons d'abord ce qui est représenté. Ensuite, nous replacerons l'œuvre dans son contexte typologique. Enfin, nous nous interrogerons sur sa valeur documentaire.
La mosaïque est encadrée d'une part par une large frise végétalisée présentant des motifs de rinceaux d'acanthe stylisés aux pointes très acérées, et d'autre part une mince frise de vaguelettes. La composition est régie par trois registres superposés et égaux. C'est une mosaïque polychrome mais il est assez difficile de décrire les couleurs compte tenu de la mauvaise qualité des reproductions.
[...] C'est la femme du seigneur du domaine. Sous le banc on trouve une sorte de panier avec des poussins à l'avant. A droite, une femme lui apporte un agneau. Derrière cette femme se trouve le reste du troupeau (moutons et chèvres), surveillé par un berger avec un chien endormi à ses pieds. Au-dessus, on trouve un champ de céréales (du blé accolé à une modeste cabane à laquelle est attaché un autre chien. A gauche du registre médian, on observe deux hommes. [...]
[...] C'est la même femme que sur le registre supérieur. Derrière elle, un serviteur lui tend un panier rempli de roses, et devant elle, une femme lui propose un collier qu'elle semble sortir d'un coffret à bijoux. On peut distinguer un autre personnage, très lacunaire, qui dépose trois poissons aux pieds de la femme. Dans le coin droit, on observe une scène presque symétrique : un homme richement vêtu est assis sur une banquette, les pieds appuyés sur un repose-pieds. Un homme portant des oiseaux d'eau dans son dos lui tend un rouleau sur lequel on peut lire IV DOM signifiant Iulio Domino, soit Seigneur Julius . [...]
[...] La plupart des mosaïques d'Afrique proconsulaire viennent de Carthage ou de villes proches comme Utique ou Tabarka. Leur surface varie de 0.55 à 25m² pour la Mosaïque du Seigneur Julius. Ces mosaïques montrent l'individualité artistique des provinces nord-africaines : les mosaïstes ont recours à des moyens expressifs caractéristiques de l'antiquité tardive comme la sévérité des visages et le statisme, combiné à un sens classique du mouvement et de la perspective, comme on le voit ici pour le bâtiment rectangulaire. La plupart présentent une narration régie par des registres superposés. [...]
[...] Il est intéressant de remarquer que le thème des cadeaux de la nature et la représentation des saisons est assez courant dans les mosaïques d'Afrique du Nord. Mais la majorité de ces représentations sont constituées d'images allégoriques stéréotypées. Par exemple, sur les mosaïques de Salammbô, à Carthage, l'été et l'automne sont représentés par des figures nimbées et ailées comme des anges, offrant au spectateur des fruits caractéristiques de leur période de l'année. La Mosaïque du Seigneur Julius présente donc une iconographie originale, car les saisons sont ici évoquées par des figures réalistes avec les activités agricoles et les fruits typiques. [...]
[...] La principale différence entre cette mosaïque et celle du Seigneur Julius semble être un déplacement latéral de la porte principale. Ce type de plan peut évoquer la demeure seigneuriale de Nador, sur le côté algérien entre Tipasca et Caesarea. Le site, découvert dans les années soixante-dix, a une façade monumentale, avec une porte d'accès centrale, le tout flanqué de deux tours. On remarque également un corps de bâtiment rectangulaire à l'arrière de la cour. On voit donc que la Mosaïque du Seigneur Julius est bien ancrée dans la tradition des mosaïques nord-africaines. [...]
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