Le travail de l'acteur, en solitaire ou avec ses partenaires sur le plateau, ne consiste pas seulement à apprendre le texte. L'épreuve de la mémoire est facilement surmontée. Le comte, metteur en scène de "La Double Inconstance" de Marivaux dans "La Répétition" de J. Anouilh, explique à une comédienne qu'elle doit jouer faux : « Le naturel, le vrai, celui du théâtre, est la chose la moins naturelle du monde » lance-t-il. Peut-on assimiler le vraisemblable théâtral au vrai, ou doit-on les distinguer, voire les séparer ?
[...] [Conclusion partielle] Ainsi, aussi bien dans la représentation, dans les intrigues que dans la langue théâtrale, tout l'art consiste à donner à l'artifice 1'apparence du naturel. Ainsi, le comte de la Répétition qui se complaît dans le rôle de metteur en scène hystérique, qui veut irriter Hortensia, qu'il n'aime plus, lance une formule volontairement provocatrice. Le naturel du théâtre trouve ses sources dans la réalité, mais n'apparaît pourtant naturel au théâtre que ce qui transforme la réalité. Le naturel au théâtre est artificiel. Il s'agit là d'une particularité que le théâtre partage avec toutes les autres formes d'art. [...]
[...] Le théâtre est donc le lieu où des acteurs vêtus de costumes de convention jouent des histoires d'où le naturel a été chassé. [C. Une langue trop recherchée pour être naturelle] Les paroles mêmes qu'ils prononcent semblent contribuer à chasser le naturel. Pendant longtemps les dramaturges ont écrit en vers et Monsieur Jourdain nous apprend qu'on ne parle pas naturellement en vers. Même les pièces en prose présentent le plus souvent une qualité d'écriture bien éloignée de la pauvreté de la langue quotidienne. Le comte le déplore, qui s'exclame: D'abord dans la vie le texte est toujours si mauvais! [...]
[...] Le naturel est donc plus affaire de convention que de réalisme. Ajoutons que le jeu des acteurs obéit lui aussi à des conventions. Si les acteurs parlaient sur scène comme ils s'expriment hors scène, seuls les spectateurs des premiers rangs pourraient les entendre: ils doivent crier, insister sur certains mots pour les rendre audibles. Quant à la gestuelle de l'acteur, elle doit être visible et expressive. Le geste qui consiste à se cacher le visage de ses mains pour signifier que l'on pleure apparaîtrait légitimement exagéré dans la vie quotidienne, il est tout à fait naturel au théâtre. [...]
[...] - Certes, une représentation théâtrale parait juste au spectateur parce qu'elle copie la réalité] [A. Elle met en scène des sentiments universels que le spectateur peut avoir éprouvés] Au premier abord, la réplique du comte est en droit de surprendre: il nous semble en effet que ce qui semble véritable au théâtre, ce qui emporte sans peine notre adhésion, est ce qui copie la réalité. Ainsi, les pièces mettent en scène des sentiments que le spectateur trouve naturels parce qu'ils sont si universels qu'il les a sans aucun doute éprouvés lui-même. [...]
[...] [II - Mais en réalité, ce qui apparaît vraisemblable au théâtre n'est pas le vrai] [A. Les artifices de la mise en scène] En effet, ce qui nous apparaît vraisemblable au théâtre n'est pas forcément conforme à la réalité. Tout d'abord, de nombreux éléments de la représentation se démarquent du réel. Ainsi, les décors doivent s'adapter à la taille et à la configuration de l'espace scénographique. Imaginez le plateau de la cour d'honneur, à Avignon, transformée en un salon bourgeois! [...]
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