Art, politique, esthétique, propagande, contrôle sur l'art, Lumières
L'utilisation de l'art à des fins politiques n'est pas nouvelle, bien au contraire. Émile Mâle montre que l'Église est la première à s'en servir dans une perspective de diffusion d'un message, celui de la Bible.La cathédrale médiévale a été une représentation plastique des dogmes et traditions de l'Église . Roy Strong utilise les festivals organisés par les puissances étatiques pour montrer qu'ils sont conçus à des fins d'unification des territoires dominés (par le Saint Empire Germanique et la France) et comme moyens de glorification des souverains que ce soit dynastique (par les Médicis à Florence) ou individuel (pour Charles I) au XVe et XVIe siècle . Linda Nochlin et Henry Million ont consacré un ouvrage qui pose la question de l'effet de la politique sur l'art partant du Moyen-Age à nos jours . Ils traitent d'œuvres d'art clairement issues d'une volonté politique et contenant un message, mettant ainsi en lumière l'interaction entre l'esthétique et le politique. Pour Nochlin et Million, au lieu de penser l'œuvre comme résultat d'une intention politique, on peut peut aussi la penser comme la constitution d'un acte ou d'un engagement politique en soi.
[...] De nombreux auteurs, principalement anglo-saxons, osent utiliser le terme malgré son caractère manifestement anachronique. Toutefois, utiliser l'art comme le véhicule d'un message politique ne constitue-t-il pas en soi un acte de propagande ? C'est, en tout cas, le choix qu'a opéré James Leith pour formuler sa thèse qui fera l'objet de cette première partie. Il me semble que l'on peut considérer la série des Ports de France comme les prémisses d'une tentative propagandiste et comme plusieurs illustrations ce qu'un bon gouvernement est censé être et produire. [...]
[...] C'est pourquoi l'article « Beaux-arts » de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert répond à Jean-Jacques Rousseau en arguant que l'art peut constituer une contribution précieuse à l'éducation du citoyen. Diderot nous fournit de nombreux arguments pour la fonction sociale de l'art, notamment dans sa Lettre sur les sourds. Pour lui, l'art est plus efficace pour véhiculer des idées que le langage, notamment la peinture possède le moyen le plus efficace d'apporter des émotions à l'âme. L'art pourrait donc être un instrument efficace du progrès parce qu'il n'aurait pas à changer la nature humaine mais seulement revitaliser ce sens de la vertu implantée dans le cœur humain. [...]
[...] Les philosophes sont bien conscients de ces exemples qui illustrent comment donner un rôle social et politique à l'art. La notion d'art comme propagande est en réalité profondément ancrée dans la tradition occidentale. Elle a seulement été ressuscitée et formulée en termes modernes par les encyclopédistes qui lui ont donné en même temps une nouvelle cause, celle de transmettre des valeurs morales. On peut trouver également les fondements de ce raisonnement jusqu'à Platon, dans la République, qui estime que les artistes devraient être obligés de représenter le bien dans leurs œuvres sous peine d'expulsion car cela permettrait la production de nobles sentiments chez les jeunes esprits. [...]
[...] Vernet est asservi dans ces sortes d'ouvrages comme on l'est dans les Portraits, pour rendre fidèlement ses modèles. Cependant l'effet de cet esclavage ne se fait point sentir. Il choisit si adroitement ses points de vue, qu'on prendrait ses tableaux pour des chefs d'œuvre de l'imagination la plus heureuse. Son coloris est vrai et brillant, ses figures sont dessinées avec esprit, toutes ses attitudes sont expressives, on retrouve par tout la Nature. Il paroît que cet Artiste en a fait une étude singulière. [...]
[...] Voilà, ce que l'Encyclopédie nous dit : « [ ] qu'au contraire l'artiste soit appellé, non dans le cabinet du prince, où celui-ci n'est qu'un homme privé, mais au pié du trône pour y recevoir des commissions tout aussi intéressantes que celles qu'on y donne aux chefs de l'armée, de la justice, ou de la police : que le plan général du législateur embrasse les grandes vues de porter le peuple à l'obéissance des lois, et à la pratique des vertus sociales par le ministère des beaux-arts, on verra bien vite toutes les forces du génie se déployer pour remplir ce grand objet ; on pourra s'attendre à voir renaître des chefs d'œuvre, et des chefs d'œuvre vraisemblablement supérieurs à ceux de l'antiquité ». Les beaux-arts ne pouvaient accomplir ce projet sans la beauté, la régularité, et le bon goût, mais ils devaient également sélectionner les sujets calculés pour améliorer l'esprit et le cœur. Le lien entre le mauvais gouvernement et le mésusage des beaux-arts est fait : un gouvernement sage pour un art moral. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture