Le théâtre selon Pierre-Aimé Touchard

Résumé du document

Le théâtre est un genre ancien représenté depuis l'Antiquité; et même si à présent, il subit la rude concurrence du cinéma, le théâtre attire toujours les spectateurs. On peut brièvement rappeler ce qu'est le théâtre: Le théâtre est avant tout un spectacle qui permet une perception sensible. Il est un spectacle vivant différent en cela du cinéma. En outre, le théâtre se distingue de la multiplicité d'autre spectacles qui existent dans la mesure où il constitue la représentation d'une réalité (et non pas une réalité qu'on représente sur scène). Le théâtre est donc une « illusion » de ce fait l'action théâtrale n'est pas directe, elle est toujours par détour « au second degré ». En effet, dans la vie réelle manifester du chagrin ou de l'amour a pour but direct d'apitoyer ou de s'attirer la sympathie. Au théâtre, les spectateurs savent très bien que ces sentiments joués par les acteurs sont faux cependant ils choisissent ou non de croire à ces sentiments le temps de la représentation. Aussi il est important que le théâtre sache capter l'attention du public et de susciter son intérêt.
On peut alors se demander ce qui dans le théâtre attire les spectateurs. Qu'est ce que le public recherche dans l'œuvre dramatique ?
C'est à ce sujet que Pierre Aimé Touchard, directeur du conservatoire national d'art dramatique de 1968 à 1974, dit : « montrer à l'homme jusqu'à quel point extrême peuvent aller son amour, sa haine, sa colère, sa joie, sa crainte, sa cruauté, lui faire prendre conscience de ses virtualités, de ce qu'il serait dans un monde sans entraves, où n'interféreraient plus la générosité et l'économie domestique, la colère et la morale, l'amour et le souci de la réputation, la haine et la crainte du gendarme : tel parait être ce que par un abus de terme nous appelons le « but » du théâtre ». D'autre part, pour Touchard le spectateur veut que le théâtre lui présente « la vision de cet univers où l'homme pourrait enfin se révéler à soi même ».
Il semble alors que le théâtre possède une fonction libératrice pour l'homme d'une part en le libérant des contraintes sociales et d'autre part en lui permettant de se découvrir et ainsi de pouvoir effectuer sa propre introspection.
Il est alors légitime de se demander dans un premier temps, dans quelles mesures les propos de Pierre Aimé Touchard sont vérifiables. Pour cela, on verra en quoi le théâtre peut se montrer révélateur des passions humaines. Ensuite, on s'interrogera sur les limites auxquelles peut être confronté ce point de vue. Enfin, on pourra se demander quelles sont les véritables attentes du spectateur de théâtre.

Extraits

[...] Le théâtre est-il exempté de toutes règles ? Le théâtre peut effectivement apparaître comme étant sans entraves dans la mesure où il permet à toutes passions de voir le jour. Or même s'il peut représenter une grande quantité de choses irréalisables dans la vie de tous les jours, le théâtre doit respecter certaines règles. Effectivement il existe au sein même de l'intrigue théâtrale des contraintes qui permettent à la pièce de puiser toute son intensité dramatique, par exemple dans Roméo et Juliette de Shakespeare, c'est en grande partie parce que l'amour des deux protagonistes est impossible socialement, (à cause des différends qui opposent leur deux familles), qu'il devient sublime. [...]

[...] Jean Anouilh reprend le mythe de Sophocle sans y intégrer une fonction religieuse ; la pièce d'Anouilh prend donc un aspect totalement différent. A l'origine la jeune Antigone, fille d'Oedipe et de Jocaste, est en révolte contre la loi humaine qui interdit d'enterrer le corps de son frère Polynice. Mais présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité. Le théâtre devient alors, pour Brecht, le moyen pour l'homme de sortir de sa torpeur cathartique pour qu'il puisse adopter un point de vue critique face au monde qui l'entoure. [...]

[...] Il semble en effet impossible dans le monde tel qu'il est qu'une femme se livre librement à un tel excès de passion. Cependant, le théâtre lui permet cette violation des règles sociale de par son caractère fictif. Dans le même registre Phèdre, qui se livre à une passion incestueuse pour son beau-fils, peut incarner l'expression d'une passion honteuse. Les sentiments du spectateur peuvent donc être exprimés par le théâtre, mais il en va de même pour ses passions refoulées. Certaine pièce en exprimant des passions refoulées permettent au spectateur de se libérer des tensions sociales. [...]

[...] On doit donc nuancer les propos que l'on a l'habitude d'entendre ; le spectateur, même s'il ne veut voir une représentation de sa vie réelle sur scène, a besoin de reconnaître des caractéristiques qui lui sont propres chez les personnages. Le plaisir du spectateur réside donc dans une dialectique du vrai et du faux, cette dialectique est possible lorsque l'espace scénique fonctionne comme un lieu mythique ou comme une métamorphose du monde. Le théâtre doit donc à la fois arracher les spectateurs aux contingences de leur vie quotidienne pour leur donner une vision intemporelle de la condition humaine et les divertir. [...]

[...] Le spectateur donne donc au théâtre le but de le divertir. Cela lui permet d'aimer un grand nombre de pièces très différentes les unes des autres, en effet le public peu apprécier une pièce de Corneille comme L'illusion Comique et une pièce de Ionesco comme Rhinocéros. Aussi nous pouvons dire que la fonction révélatrice du théâtre, que l'on appel par un abus du terme but du théâtre est secondaire. En effet le spectateur peut demander à l'œuvre dramatique de le révéler à soi-même dans un but plus ou moins narcissique d'identification. [...]