Qu'elles soient des comédies ou des tragédies, les pièces de théâtre mettent presque toujours en scène des relations de pouvoir, souvent synonymes de situations de conflits: les conflits comiques se résolvent en rires, les conflits tragiques exigent le plus souvent la mort du personnage principal. Comment le théâtre permet-il de représenter les relations de pouvoir ? Autrement dit, par quels procédés l'écriture et la mise en scène théâtrales rendent-elles possible la représentation des relations de pouvoir ?
[...] [Conclusion partielle] Ainsi, les relations de pouvoir au théâtre ne s'expriment pleinement que lorsqu'ils sont mis en scène, servis par la voix et la gestuelle des comédiens et les éléments matériels. [Conclusion] La représentation des relations de pouvoir est au cœur de l'écriture théâtrale, qui met les personnages aux prises avec eux-mêmes ou avec les autres. Si l'écriture dramaturgique permet d'exprimer ces relations conflictuelles, seule la mise en scène peut donner la pleine mesure de la violence et de la force qu'ils véhiculent. [...]
[...] Dans la scène 2 de l'acte III d'Ubu roi d'Alfred Jarry, Ubu n'entend pas voir quiconque empiéter Sur son pouvoir. Ainsi, il entend concentrer entre ses mains tous les leviers qui assureront sa puissance. Le premier est bien sûr le levier financier: c'est pourquoi Ubu n'hésite pas à faire passer à la trappe» les nobles de son royaume afin de leur voler leurs biens et leurs titres. La situation est exactement similaire dans la scène 8 de l'acte 1 de Caligula. [...]
[...] Cette forme de conflit présente un double intérêt pour le spectateur. D'une part elle fait progresser l'intrigue, d'autre part elle dévoile totalement le personnage. En effet, les monologues conflictuels sont le plus souvent délibératifs. Ainsi, au terme du conflit intérieur qui le déchire, le personnage prend une décision qui infléchit le cours des événements. A la scène 2 de l'acte IV de Cinna, tragédie de Corneille, Auguste, qui a été trahi par ses proches qui ont fomenté un complot contre lui, hésite entre la clémence et la vengeance Punissons l'assassin, proscrivons les complices. [...]
[...] De plus, toute parole coupée par un des personnages à un autre signifie l'instauration d'un rapport de domination. Dans le texte d'Albert Camus, l'empereur Caligula ne cesse de couper la parole à son intendant pour lui manifester sa supériorité et lui rappeler son rang de subalterne. Enfin, une répartition inégale de la parole dans un dialogue théâtral est un autre moyen de représenter les relations de pouvoir. Celui qui parle le plus est en effet bien souvent celui qui mène le dialogue et donc domine son interlocuteur. [...]
[...] De même Lucky, esclave privé de toute humanité et partant de toute parole dans En attendant Godot de Beckett, ne peut pas exprimer ses sentiments. Mais la corde qu'il a au cou suffit à susciter la révolte de Vladimir et Estragon et celle du public, à instaurer un conflit entre les défenseurs de l'humanité et ceux qui l'accablent. Ainsi, les éléments matériels de la représentation contribuent également à la mise en valeur et à la mise en scène des relations de pouvoir. [...]
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