Système, répétition, art moderne et contemporain, Henri Matisse, Yayoi Kusama
Dans la production et la reproduction constante de la nature, on retrouve inexorablement, des systèmes conçus en adéquation avec leur milieu et avec les besoins des espèces environnantes. Les répétitions qui en résultent, tels que les arborescences, le mouvement incessant des vagues, ou la composition d'un parterre de fleurs, ont été pour de nombreux artistes un sujet de recherche à explorer dans son infinie dimension.
Dès le début du XXème siècle, un désir d'aller au-delà de ce qui a déjà été proposé en peinture, se fait ressentir chez un bon nombre d'artistes. Ainsi, on perçoit peu à peu un effacement du sujet, au profit d'une libération de la couleur et de formes picturales. Henri Matisse représente une des plus grandes figures artistiques de ce moment charnière, du passage à l'art moderne. Ses simplification des formes et son désir d'équilibre, sont retranscrite par une recherche répétitive, suivant le modèle de la nature, qui répète ce qu'elle crée mais toujours avec une différence subtile.
[...] Matisse considère le bleu comme la couleur du volume et de la distance.5 Les vides qui marquent les articulations du corps, tout en unifiant par la ligne les parties fragmentées, procurent à l'ensemble un effet de relief. Ainsi, la simplification des formes rappelle la stylisation du corps dans la sculpture africaine, que Matisse collectionne dès le début de sa carrière. Le corps semble prendre forme au cœur d'un espace sans limite, ce qui lui confère un caractère monumental. La série des Nus Bleus témoigne de l'aboutissement d'une réflexion et d'une recherche sur la figure dans l'espace qui ont occupé Matisse tout au long de sa vie LASSAIGNE, Jacques, Matisse, op. cit. [...]
[...] À ce moment là, nous pouvons mieux appréhender les dimensions parfois colossales de ces peintures, ou bien les illusions abyssales de ses installations. Ces questions que soulève la répétition d'un même motif, ou d'un même sujet, est une voie dans laquelle s'engouffre encore un bon nombre d'artistes de nos jours. Pour n'en citer qu'un, on pourrait parler du travail de Tara Donovan. Pour elle, c'est la création d'un système, l'utilisation d'une structure et la répétition d'unités progressives qui peuvent aller du fini à l'apparemment infini. [...]
[...] Ainsi, on ne remarque presque plus le dos vertical du modèle 2 NERET, Gilles, Matisse : Gouaches découpées, Paris : Taschen tant il est cerné de courbes. Le procédé artistique, c'est-à-dire la multiplication des motifs englobant la figure du corps, que Matisse emploie ici, tend à faire disparaître peu à peu le sujet principal du tableau, pour ne donner à voir au spectateur qu'un assemblage de couleurs et de motifs positionnés méticuleusement les uns à côtés des autres. Le piège pictural et visuel que Matisse tente d'établir se referme peu à peu sur le spectateur afin que la peinture devienne cet art d'équilibre, de pureté et de tranquillité comme il le disait lui-même dès Epuiser le sujet : la série La grande exposition Matisse : Paires et Séries se tenant au Centre Pompidou, au printemps 2012, amène peu à peu le spectateur à se plonger dans cette recherche répétitive, presque obsessionnelle des compositions picturales. [...]
[...] MATISSE, Henri, Ecrits et propos sur l'art, Paris : Hermann pp WILSON, Stephen, Art + Science, trad. Gilles Berton, Paris : Thames & Hudson LEMOINE, Serge (dir.), L'art moderne et contemporain, Paris : Larousse Andy Warhol - Rétrospective, Centre Georges Pompidou, Paris BÉRET, Chantal ; HOPTMAN, Laura et al, Yayoi Kusama, Paris : Centre Pompidou p répétition, avant même le Pop Art, traduisant ainsi son obsession de l'infini. Entre 1958 et 1962, Kusama peint sans relâche des Infinity Nets, jusqu'à l'épuisement, parfois pendant quarante ou cinquante heures d'affilée sans le moindre repos. [...]
[...] Kusama occupe une place singulière dans l'histoire de l'art contemporain. Elle traverse les avant-gardes et reste cependant en marge des courants dominants, cultivant cette extrême radicalité qui a longtemps qualifié tout ce qu'elle conçoit. En arrivant à New York en 1958, elle réalise ses premiers monochromes blancs aux formats démesurés, avec le procédé de la cette impression. C'est en ce sens, il me semble, que l'on peut dire que l'art imite la nature: par le caractère de vie que confère à l'œuvre d'art un travail créateur. [...]
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