Francis Bacon, peintre d'origine irlandaise né en 1909, a 44 ans lorsqu'il peint Study from Velazquez ‘s portrait of Pope Innocent X (1953) pour la galerie des Beaux Arts de Londres. Il est un peintre autodidacte, qui s'est formé en voyageant en Europe, en visitant des galeries, des musées ; c'est un peintre d'avant-garde, choquant, voire violent, mais qui arrive tout de même à exposer (Hanover Gallery 1951-1952) à vendre des tableaux et à faire parler de lui (dans le Magazine of Arts, janvier 1952, Sam Hunter lui consacre un article : « Francis Bacon or the anatomy of horror »).
Study from Velazquez ‘s portrait of Pope Innocent X est un de ses tableaux les plus connus. Il y travaille longtemps, des tableaux de 1949 l'annonçant déjà (Head), mais toutes ses premières études sur ce tableau de Velazquez (début des années 50) ont été retirées de la circulation, à chaque fois juste avant d'être exposées, montrant le rapport d'exigence que Bacon entretient avec sa peinture, n'hésitant pas à détruire une toile. Se targuant de peindre à l'aveugle ou à l'instinct, Bacon n'en a pas moins des objectifs précis. S'agissant de Study from Velazquez ‘s portrait of Pope Innocent X, il déclare avoir voulu peindre une tête comme si elle se repliait sur elle-même, à la façon des plis d'un rideau ( "I wanted to paint a head as if folded in on itself, like the folds of a curtain". interview avec Hugh M. Davies, 26 June 1973). Mais c'est un visage déformé, un vieil homme décharné, tout entier tendu dans un cri horrible qui apparaît d'abord au spectateur. Que cherchait donc Francis Bacon ? Que voulait-il représenter et que voulait-il nous présenter ? Est-ce la réalité et plus particulièrement l'horrible et l'écoeurant qu'on y trouve ou est-ce une déformation qui s'en détache ?
C'est en étudiant d'abord sa façon de peindre, comme « au hasard », puis les obsessions qui guident sa peinture et enfin ce qu'il peint –la « Figure »- que nous essayerons de répondre à cette question.
[...] Les mains atrophiées d'Innocent X évoquent leur crispation violente et suggèrent l'impuissance. L'absence des yeux, ainsi que la surreprésentation de la bouche, qui crée une réduction du visage au seul cri engendre l'image d'un visage tout entier absorbé par le cri, entièrement tendu dans ce cri. Bacon fait donc à la fois une peinture explicable rétrospectivement, qui semble avoir été composée à dessein et une peinture aveugle, qui ne sait où elle va. La peinture ne saisira le mystère de la réalité que si le peintre ne sait pas comment s'y prendre explique-t'il ainsi à David Sylvester.(Extrait des Entretiens avec David Sylvester) 2 inspirations et obsessions L e tableau peut être considéré comme une synthèse de plusieurs images qui ont obsédé Bacon. [...]
[...] »(Entretiens avec David Sylvester, Skira, 1976) La peinture de Bacon part de l'apparence la plus basse, de la chair, de la viande, de l'animal. Il représente l'homme comme un corps nerveux qui souffre Peindre le devenir viande ou la Figure, Bacon et Deleuze Mais plus que sur la viande, Bacon insiste sur le devenir-viande (Deleuze). Deleuze analyse ce qui l'interprète comme un dispositif de captation. Il s'agit de mettre en place un dispositif, de dresser un piège pour saisir le mouvement du sujet dans la matière. [...]
[...] Enfin, le pape, bien que figuré dans la même position, est inversé par Bacon à travers le traitement de trois éléments : les couleurs, les mains, la figure. Bacon remplace le rouge du tableau de Vélazquez par du bleu. Le rouge de l'habit, le teint vif du visage (évoquant la santé), le rouge sombre du fond sont traduits en violet sombre pour l'habit, bleu délavé pour le visage (évoquant le teint d'un noyé), et bleu strié de noir pour le fond. Dans le tableau de Vélazquez, la main droite du pape (à gauche) pend négligemment, les doigts développés, à l'aise. [...]
[...] ) ; quand elle est ainsi rapportée au corps, la sensation cesse d'être représentative, elle devient réelle ; et la cruauté sera de moins en moins liée à la représentation de quelque chose d'horrible, elle sera seulement l'action des forces sur le corps, ou la sensation (le contraire du sensationnel) Peindre en trois temps. Il l'explique en divisant la création chez Bacon en trois moments. Dans un premier moment l'artiste synthétise des images (là, Innocent X par Velazquez, Filippo par Titien, la nounou du Cuirassé Potemkine Dans un deuxième moment, il fait intervenir une zone de chaos sur la toile. Il déforme le corps en brossant, nettoyant, métamorphosant les couleurs. Ce que Bacon appelle lui-même le Diagramme. Il survient comme une catastrophe, un chaos. C'est comme le surgissement d'un autre monde. [...]
[...] A l'image de la nounou s'ajoute celle, similaire de la femme à qui l'on arrache son enfant dans le Massacre des Innocents de Poussin, tableau que Bacon a vu au musée Condé lors de son séjour à Paris en 1929. Il faut noter que Bacon a effectué ce séjour après avoir été chassé de chez lui arraché à sa mère , donc son père qui l'aurait surpris en train de jouer avec les palefreniers, habillé avec les sous-vêtements de sa mère. [...]
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