Au XVIIe siècle, le thème de la vanité humaine est réactivé par la propagande religieuse de la Réforme et la Contre-réforme. Salvator Rosa est un des artistes les plus originaux du XVIIe siècle. Il était à la fois peintre, graveur à l'eau-forte, musicien, il s'intéressait à la comédie et il semble qu'il se soit également engagé politiquement. Il est né en 1615 près de Naples mais a passé une grande partie de sa vie à Florence et à Rome, où il est mort en 1673. Lorsque Rosa commence à peindre dans les années 30, Naples est marquée par l'influence des grands peintres qui ont séjourné à Naples : les peintres du paysage du nord de l'Europe comme Pieter Bruegel ou Claude le lorrain, le Caravage qui y a fait un bref séjour de 1607 à 1610, mais aussi Ribera qui y vit depuis 1616.
Rosa est surtout connu pour ses paysages, qui deviennent au fil de sa carrière de plus en plus tourmentés, étranges, avec un goût pour les scènes pittoresques et souvent agitées. Ces paysages lui valent d'être considéré comme un précurseur du romantisme et c'est pourquoi il sera très apprécié au XIXe siècle, spécialement en Angleterre. Il continuera tout au long de sa vie à peindre des paysages mais il s'essaie aussi aux portraits, aux scènes bibliques, historiques ou philosophiques, qui sont des sujets moins lucratifs mais plus conformes à son ambition, à ses désirs de gloire et de reconnaissance artistique.
Rosa était aussi un poète satirique. Le thème dominant de ses satires est la haine du milieu de la cour et des mondanités. Ce mépris de Rosa pour la société le fait s'intéresser au stoïcisme. A partir de 1640 il peint souvent, dans ses peintures ou ses poésies, les vies de philosophes antiques comme Diogène ou Démocrite.
L'idée qu'il retient fortement du stoïcisme est la nécessité de se confronter à la mort. Ainsi, dans son poème Babilonia : « Les hommes, je le sais d'après ma propre histoire, / Sont les jouets constants des caprices du sort ; / Moi, pour mieux résister aux appâts de la gloire, / Je place devant moi l'image de la mort ».
Cette idée de la finitude humaine est celle qui domine le tableau l'Umana fragilità (1657). Ce tableau appartient au genre de la vanité car il évoque, par une accumulation d'éléments symboliques, la fragilité de l'existence humaine et le triomphe de la mort. Salvator Rosa élabore là une composition macabre construite sur de nombreux jeux d'opposition. Il s'agit d'une œuvre à la fois très originale et nourrie de références à des peintres antérieurs.
[...] Les personnages sont finalement peu expressifs. Seul le squelette possède une expression animée ; il observe le geste de l'enfant avec un rictus inquiétant, et guide son bras avec une sorte de bienveillance affectée et sournoise, presque vicieuse. Les regards de la mère, de l'enfant et de la Mort convergent ainsi vers l'inscription centrale, ce qui théâtralise le geste d'écriture. La statue du dieu Terminus contemple avec sévérité la scène, et enfin la chouette fixe le spectateur, semblant vouloir capter son regard Une scène prise sur le vif Bien que les regards des personnages soient peu expressifs, la scène est particulièrement animée, elle semble représentée dans la fulgurance de l'instant. [...]
[...] Salvator Rosa avait déjà auparavant réalisé des peintures de vanité, mais le thème a désormais pour lui une résonance directe. C'est pourquoi on peut penser que, au-delà de la réflexion religieuse ou philosophique, cette œuvre est avant tout une peinture du deuil pour l'artiste. Il avait d'ailleurs rejeté les préceptes stoïciens que lui offrait en condoléances son ami Ricciardi : Les consolations des stoïciens n'atténuent pas mon angoisse et, si ceux qui ont inventé cette métaphysique avaient eu à la mettre en pratique, ils auraient peut-être trouvé des choses assez différentes de ce qu'ils prêchent dans leurs livres La peinture ne vise pas à dénoncer la futilité, la vanité des hommes et de leurs activités terrestres. [...]
[...] Mais ce sont là des représentations beaucoup plus violentes et plus crues de la mort, des scènes beaucoup moins intimes - Sources directes L'Umana fragilità est proche par son style et son sujet d'un tableau plus ancien de Rosa, le Démocrite. Ici, nous voyons le philosophe grec méditant au milieu des ruines, et entouré par d'autres objets symbolisant l'homme mortel. Les deux œuvres utilisent une variété d'objets et d'éléments symboliques de la mort et de l'évanescence. L'association étroite entre les deux peintures est marquée particulièrement par la répétition de la chouette, du Terminus couronné de cyprès et de l'obélisque. [...]
[...] Rosa reprend le répertoire symbolique traditionnel en inscrivant le genre dans une scène animée et en privilégiant la représentation humaine sur celle des objets. Il donne une tonalité très personnelle à la méditation sur la brièveté de la vie, ce qui explique peut-être son caractère si émouvant. L'atmosphère macabre qui se dégage de cette œuvre constitue l'un des aspects distinctifs du style de Rosa, et intéressera beaucoup la génération romantique, tout spécialement en Angleterre. Bibliographie André CHASTEL, L'art italien, Paris, Flammarion (coll. Tout l'art). Dwight C. [...]
[...] La présence du poisson est un symbole de mort: morimur La créature ressemblant à un chien tout en bas est en fait un hippopotame et représente "la violence et la discorde avec laquelle l'homme finit ses jours." : natura dissidio Ainsi, cette toile répond au programme iconographique de la vanité. Salvator Rosa accumule les allusions pleines d'érudition ; ses biographes rapportent qu'il aimait se considérer comme un peintre de sujets érudits, au sens philosophique profond Portée religieuse, portée philosophique Le peintre semble évacuer ici la dimension religieuse de la vanité. [...]
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