La folie tient indéniablement une place importante dans l'art. De nombreux peintres ont choisi de la représenter, comme le rappelle récemment Claude Quétel en signant un ouvrage sur l'imagerie du fou à travers l'histoire. Notion ambivalente pouvant tout aussi bien signifier l'absence de sagesse que la perte pathologique de la raison, la dualité de la folie se retrouve dans la diversité et l'équivoque de ses représentations.
[...] Nous trouvons, par exemple, le regard du monomane du vol particulièrement doux, là où Viardot relève « une expression d'audace et de perversité.» De même, en quoi l'expression perdue de la monomane du jeu, coiffée d'un fichu et portant une canne, nous parle-t-elle de son trouble spécifique ? Ou encore, comme le signale à juste titre G. Jubinville, le regard si puissant de la monomane de l'envie ne pourrait-il pas tout aussi bien représenter la rage ou la méchanceté plutôt que la jalousie, comme le prétend Viardot ? [...]
[...] Il faut rappeler qu'en 1820, date de production des œuvres de Géricault, une discipline avant-gardiste est en train de naître, la psychiatrie (appelée alors aliénisme), sous la férule du Dr Esquirol, l'inventeur du concept de monomanie. Or, son disciple favori, le Dr E.J. Georget, est le médecin de la monomane de l'envie à l'hôpital de la Salpêtrière. Certes, ces tableaux peints avec précision correspondent à l'une des premières représentations réalistes d'affections mentales dans l'histoire de la peinture. Certes, c'est au début du XIXème siècle qu'apparaissent « les premiers portraits de fous dans une recherche physiognomonique destinée à identifier le type de folie par l'observation des caractères physiques du visage et la mensuration du crâne. [...]
[...] Jubinville, il en vient à se questionner sur la réalité d'une pathologie chez les sujets peints par Géricault. En tout cas, il souligne à quel point ces œuvres nous proposent une limite très indéterminée entre ce qui est normal et ce qui est pathologique. En outre, en qualité de précurseur d'un mouvement romantique imprégné de réalisme, on constate que ces œuvres représentant des aliénés rejoignent les tableaux dans lesquels Géricault a peint des malades, des blessés, des membres amputés, des corps sanguinolents : la société qui l'entoure, les exclus, les laissés pour compte, voilà des sujets que Géricault a volontiers représentés. [...]
[...] A côté des Monomanes (trois avaient été rassemblés), figuraient notamment les dessins d'un épileptique et d'un suicidé. Or, dans le dossier de presse de l'exposition, B. Chenique rappelle que « dans le monde médical [du début du XIXème le suicide est envisagé comme un possible accident du délire occasionné par la désintégration de l'ordre social [ . de même que] la monomanie est perçue comme la maladie de l'avancée de la civilisation post-révolutionnaire. » A cet égard, et considérant « le monomane du commandement militaire », le même B. [...]
[...] A qui sont-elles destinées ? Est-ce une étude clinique dans le contexte médical de la psychiatrie balbutiante dans la France du début du XIXème siècle ? Ou bien des chefs-d'œuvre de l'art du portrait d'un peintre romantique qui s'intéressait à la société et aux laissés pour compte ? Dans cet exposé, nous nous proposons donc, dans un premier temps, de présenter et de décrire la série des Monomanes. Puis, nous montrerons que ces œuvres constituent des documents uniques sur un moment de l'histoire de la psychiatrie et de l'appréhension de la folie, et ceci qu'elles aient - ou non - valeur d'études cliniques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture