Rapport, comédien, personnage, Le Comédien désincarné, Jouvet, figuration, représentation théâtrale, énoncé fictif du personnage
Dans son recueil de réflexions intitulé Le Comédien désincarné, Jouvet imagine que le personnage de théâtre écrit des lettres à un acteur. Entre autres « divagations », il lui fait poser ces questions : « Quelle est donc ton intention, est-ce de me figurer ? est-ce de témoigner pour moi ? ou vraiment de me représenter ?… » S'interroger sur la meilleure façon d'appréhender le personnage par un comédien, c'est avant tout se demander ce qu'est le personnage, et dans quelle mesure il constitue un « tout » qui pourra être travaillé par le comédien.
[...] », qui n'implique pas nécessairement que le représenté et le représentant soient de la même forme. Ce qui est représenté, en plus du personnage, c'est l'indicible présent dans le vécu humain même : et c'est un choix dramaturgique de taille de représenter l'indicible par le jeu du corps. Montrer sur scène Ensuite, la représentation prend grandement en compte le spectacle, aussi appelé représentation. Des trois termes traités, elle est sûrement celle qui prend le plus en compte cette dimension spectaculaire et donc le rapport au spectateur. [...]
[...] Incarner un personnage : un témoignage ? Un acteur actif Jouvet fait interroger par son personnage un comédien potentiel, en lui demandant si son intention, si elle n'est dans la figuration, l'est peut-être plus dans le témoignage pour le personnage. Cette notion, empruntée au vocabulaire judiciaire, implique une prise de parti du comédien, une décision de témoigner pour (ou contre le personnage, c'est- à-dire de le rendre crédible ou non aux yeux des spectateurs. Ce qui est mis en avant par cette nouvelle démarche, c'est le rôle éminemment actif du comédien, non plus seulement du personnage actant. [...]
[...] Couper un personnage de sa signification première, des valeurs qu'il a pu porter, n'est pas forcément fructueux : dans ce cas, pourquoi conserver son nom, partie intégrante du personnage ? Non, pour que cet acte de réécriture ait une cohérence, il faut postuler que le but n'était pas de mettre le personnage à jour, mais bien plus de le maintenir actuel et de témoigner de son éternelle jeunesse. Une comédienne qui jouerait le rôle d'Antigone, dans cette optique, témoignerait pour le personnage d'Antigone en tant que tel, pour les valeurs intrinsèques qu'elle incarne ; il faut supposer une ligne directrice entre les écrits, les interprétations, ce qu'on appelle un caractère fondamental. [...]
[...] Quel intérêt de jouer un Tartuffe vu et revu, de s'en tenir aux seules indications textuelles ainsi que, bien souvent inconsciemment, aux figurations qu'on en a vues ? L'intérêt même du comédien n'est pas servi, ici, car on l'oubliera pour ne retenir qu'un Tartuffe de plus. Ceci pose problème également : est-il légitime de mettre en avant le problème de reconnaissance du comédien alors que sa finalité devrait être le personnage et donc le jeu, non la performance, qui concernerait plutôt des figures théâtrales fugitives ? [...]
[...] Le témoignage ne correspond alors pas à un témoignage pour tel ou tel personnage, mais pour LE personnage : le jeu du comédien est toujours tendu entre désir de se glisser dans le moule du personnage et volonté de le faire sien, mais l'acte théâtral est toujours témoignage pour le personnage, en ce sens qu'il lui donne vie et voix, la conserve en vie. Car qu'en sera-t-il quand on n'aura plus sur scène que des voix sans corps ? Aura-t-on toujours un témoignage pour le personnage, ou aura-t-on simplement un propos dépersonnifié, voire « dépersonnagifié » ? [...]
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