Nous chercherons à étudier dans quelle mesure et pour quels sujets (artiste, spectateur) la pratique artistique et notamment picturale peut être assimilable à une pratique religieuse.
Pour accomplir cette recherche sociologique, il paraît indispensable en premier lieu d'établir quelles sont les implications et les résonances sociales d'une œuvre artistique. Nous pourrons ensuite comprendre le rôle et la place sociales de l'artiste, dont nous chercherons à étudier les analogies avec la religion, et la pratique développée par ce dernier pour aborder son travail.
...
[...] Il se complexifie et se démultiplie encore. D'abord il devient tel le Saturne dévorant ses enfants (1819) de Goya, l'éternel recommencement du fantasme d'un objet pourtant dévoré par le temps et, partant, la prise de conscience de ce temps dévoranr. Mais le sujet devient aussi en conséquence le sujet de la toile, qui devient comme un miroir interagissant avec lui-même ; notre regard va et vient entre une sorte de soulagement de voir le passé réifié et une horreur de voir que nous l'aimons encore. [...]
[...] Nous voyons donc déjà qu'une simple "imitation" dépasse son objet esthétique propre et acquiert comme naturellement un rôle social. C'est ce dernier qu'il nous faut interroger afin de cerner le religieux de l'œuvre d'art. Tout d'abord, tout objet, à partir du moment où il est fixé sur une toile, un bloc de pierre, devient automatiquement, parce qu'il est regardé pour lui-même et dans un contexte précis (je suis dans un musée, je sais que c'est une œuvre fruit d'une maturation etc.), un symbole, un mythe. [...]
[...] Cependant toute passion n'est pas d'essence contagieuse, la puissance de l'œuvre d'art ne réside pas dans la puissance de communication de l'affect : les pathos ne se communiquent pas car ils sont l'inscription singulière du "démon" dans un corps singulier, l'action dévorante du temps dans le corps propre de chacun ! l'art, s'il est bien un exorcisme, jamais il ne guérit personne, ni même l'exorciseur. Pourtant, s'il ne saurait construire une communauté, ce lieu idéal de réconciliation de l'homme avec lui-même et avec l'autre existe comme un fantasme, un simulacre. Bibliographie Moréas, Jean, Manifeste du symbolisme, Paris (in Le Figaro) Gibson, Michael, Le symbolisme, Berlin Breton, André, manifestes du surréalisme, Paris Bonnefoy, Yves, Entretiens sur la poésie (1972-1990) Cauquelin, Anne, L'invention du paysage. [...]
[...] Pratique artistique comme pratique religieuse Je soutiens une pleine confiance en une activité dispensatrice d'une grâce que j'oppose en tout point à la grâce divine. Cette sentence d'André Breton (introduction à la réédition des Manifestes du surréalisme) laisse déjà pressentir qu'une pratique (une activité) artistique, pour laquelle nous entendons aussi bien la production de l'œuvre que sa préparation voire le mode de vie même de l'artiste, est bien plus qu'une simple production de formes belles. En effet, cette grâce implique une recherche de vérité, voire de salut pour l'artiste comme pour la société à qui est destiné son travail. [...]
[...] Il est partagé entre le choix de partager le destin de l'objet et mourir à son tour, ou bien rester en vie mais trahir son amour. Une partie s'identifie à l'objet, lui témoigne son amour en se l'incorporant, tandis que l'autre dévalorise l'objet et s'acharne haineusement contre lui, ou plutôt contre cette part de lui-même qui renferme l'objet perdu. L'amour emporterait le moi dans le même tombeau où repose l'être aimé, si la haine ne lui permettait de survivre. La blessure que laisse ce conflit ne se cicatrise que par une régression narcissique, un retour sur soi de l'amour, ultime dévoration de l'objet mort. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture