« Le journal que nous recevons chaque matin, nous le regardons autant que nous le lisons. Il est fait avec des images, des dessins, des photographies » évoquait le rapport Brachard de 1935 concernant la professionnalisation de la presse. Au-delà de sa trivialité apparente, cette maxime révèle un caractère singulier de la photographie des années 1930 : le photographe – dont le statut professionnel s'affirme progressivement - doit désormais être au cœur d'événements qu'il documente pour la presse. Et ce n'est pas la presse illustrée d'alors qui peut contredire cette affirmation. A bien des égards, les années 30 constituent un moment clé dans le rapport fusionnel entre photographie et presse, entre image et texte. La photographie est sans conteste le grand vainqueur de cette période…
L'essor de nouvelles techniques photographiques bouleverse assurément la mise en page des journaux et s'avère un puissant facteur de multiplication des représentations photographiques dans la presse (I). Mais la particularité de la presse illustrée d'alors ne réside-t-elle pas dans le personnage –dont le rôle primordial émerge et se définit- du photojournaliste ? La prépondérance de la presse illustrée n'est certainement pas étrangère à la professionnalisation du métier de reporter. Aussi, faudrait-il ne pas mésestimer le rôle des agences photographiques (II). Tous ces éléments devront nous conduire nécessairement à questionner les objectifs que s'assigne la presse à travers les illustrations photographiques, ainsi que sur le statut de la photographie dans la presse. Ce statut semble témoigner d'une mutation faisant passer la photographie du rôle de simple illustration au rôle de force expressive et informative majeure, documentant chaque instant du quotidien (III).
[...] L'emploi généralisé de l'héliogravure a largement contribué à l'inventivité graphique de nombreuses publications des années 30. Le dynamisme de la mise en page de Vu, prenant exemple sur le magazine sportif La Vie au grand air, a été lié à un travail important émanant de la direction artistique, notamment depuis l'arrivée d'Alexander Liberman en 1932. Dès lors, Vu s'annonce comme un magazine pionnier en termes de mise en page, laquelle est constituée de découpes rectangulaires, rondes, ovales ou en losange permettant une insertion harmonieuse de la photographie au milieu du texte (voir annexe Le magazine de Lucien Vogel marque une véritable rupture dans la mise en page traditionnelle et statique des quotidiens, qui avait tendance à enfermer les vignettes dans une seule colonne de texte. [...]
[...] Il en va de même pour le magazine du parti communiste, Regards, dont la présentation se fait ambitieuse et originale. Là encore, la conception graphique est amplement corrélée à l'image photographique. Les procédés visuels, destinés à attirer le lecteur, se multiplient de telle sorte qu'ils se substituent quasiment au texte. Les couvertures de Regards, ancrées dans le photomontage politique, sont là pour en témoigner. Quel meilleur exemple que le numéro du 25 mai 1936 qui titrait L'inoubliable manifestation du 24 mai 1936 avec comme fond une photographie de l'ample réunion de Parisiens devant le Mur des Fédérés (voir annexe ? [...]
[...] Mais la figure du photojournaliste œuvrant dans un but professionnel n'existait pas en tant que tel. Il existe en effet, une effigie du photojournaliste qui apparaît très nettement à l'aube des années 30. Le premier point, lourd de conséquences, est la professionnalisation du statut de photographe de presse et l'assimilation de ce dernier au métier de journaliste à part entière. C'est tout le sens de la loi Brachard de 1935 qui constitue un tournant dans la profession : Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes[11] De plus en plus, le photographe est inséré dans le réseau complexe des revues et journaux au sein d'équipes permanentes. [...]
[...] Une telle diffusion et un tel succès de la photographie dans la presse illustrée ne vont pas sans interrogations. A cet effet, il est tout à fait pertinent de se pencher sur les raisons qui contribuent à affirmer l'omniprésence de la photographie dans les journaux et les magazines. De surcroît, quels sont les protagonistes de la presse illustrée des années 30 ? S'interroger sur les particularités de la photographie dans les journaux et magazines, c'est se demander dans quelle mesure la photographie dans la presse illustrée est l'écho des nouvelles techniques et conceptions du journalisme. [...]
[...] Certains journaux ont l'idée de pasticher Paris-Soir, on pense notamment au quotidien Le Journal qui va pourtant assez largement échouer dans son entreprise. Attardons-nous quelque peu sur ce quotidien. En 1929, rares sont les photographies qui illustrent le journal. En quelques années, la mise en page du quotidien est très fortement modernisée, et ce, dans le but de laisser une place toujours plus importante à la photographie et de la mettre en valeur. Les différents portraits qui composaient l'essentiel des photographies sont peu à peu remplacés par les photographies de faits d'actualité. [...]
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