Pendant quatre ou cinq ans encore, Kandinsky peindra - sur nature ou en atelier - des tableaux dont les éléments demeurent identifiables, même si leur lecteur peut parfois faire penser à des oeuvres quasi abstraites. Mais parallèlement on voit la dématérialisation s'accentuer dans trois catégories de tableaux (...)
[...] Le tableau dans son entier reste agréable, que l'on le regarde dans son ensemble ou par des détails extraits Comme la sensation physique d'un froid glacial, si elle pénètre plus profondément, éveille des sensations plus fortes et peut provoquer toute une chaine d'émotions psychiques, la première impression produite par la couleur, peut, elle aussi, se muer en émotion auditive affirmait Kandinsky, définissant l'interaction dans l'espace des couleurs chaudes et froides comme le premier grand contraste Contrairement à l'Improvisation VII dans l'Improvisation avec des formes froides règne non pas la force du jet de couleurs (D.Sarabianov) mais un équilibre calculé de tache chromatiques contrastées. A la place d'un mouvement spontané apparaît une détermination chromatique, un figement de l'accentuation des couleurs, associé à une polyphonie des formes. Dans le fond, ce qui trouble chez Kandinsky (toujours près d'un siècle plus tard), c'est cette constante interrogation sur son pouvoir ludique dans les formes montrées, totalement opposées à la réalité vraie de ce peintre qui composait une toile comme un mathématicien agrège les paramètres et demande la solution de l'équation. [...]
[...] C'est en cela que l'on peut se demander, en quoi cette improvisation est –elle un pas significatif vers l'abstraction tout en différent de ses autres homonymes ? - Vers une absence de référent, pas à pas vers l'abstraction - Un flamboiement de couleurs, - L'espace des couleurs dissonantes ; une structure des formes par la couleur Dans improvisation avec des formes froides, on peut reconnaître avec quelque peine des motifs (que l'on retrouvera dans des œuvres antérieures et postérieures à l'œuvre) sous la forme de raccourcis symboliques : dans le coin haut à droite, un groupement de personnages, sorte de chœur que l'on retrouve dans l'Improvisation IX (1910) Détail d'Impression IX (coin bas gauche) Sous ces personnages, on peut deviner par association d'idée, avec l'imagerie populaire russe à une sorte d'oiseau (qui proviendrait de L'oiseau de Feu A.Glazuonov L'oiseau de feu Baguier Dans le coin haut à gauche, une série de formes verticales qui font étrangement penser aux immeubles dans Moscou. [...]
[...] Voir le Schéma récapitulatif (III) en annexe Dans ce tableau on voit deux noyaux : A droite, un centre "délicat", dans des tons plutôt chaud et dont les petits motifs sont plutôt estompés avec des lignes courbes A gauche (un peu plus haut que celui de droite) le deuxième, plus "grossier", bleu-noir avec des nuances de vert et de rouge, qui détonent légèrement, avec des lignes droites et tranchantes, plus accentués. Entre ces deux centres, le troisième (plus proche de celui de droite) qui n'attire le regard que plus tard, mais qui est en définitive le centre principal. Ici la couleur jaune (et ses dégradés) semble davantage suspendue dans les airs, comme si elle ne reposait pas sur les autres surfaces peintes. [...]
[...] Ces zones de calmes étant interrompues par divers motifs un peu plus sombres (un peu comme des taches), ainsi que par des traits plus longs et soulignés qui sont reliés aux traits épais du coin haut à droite, qui vont vers eux, en biais, mais imprécis et qui buttent directement sur une forme plus sombre au centre haut du tableau. Les formes sombre dans les coins haut, celui de droite paraissant plus profond, apportent une note assourdie et apportent un plus à la composition abstraite en n'éveillant aucun référent figuratif dans notre esprit. Du ver t et du jaune vivifient ces zones sombres et leur donne l'animation qu'il y manquait. [...]
[...] C'est un jeu d'architecture, de modelage des formes. L'espace hante Kandinsky. Pour s'en défaire, pour le pulvériser, pour l'habiter, il invente, crée, module. Les formes froides de la composition deviennent un moyen pour lui de structurer sa peinture et d'accéder à une discipline intérieure de la peinture et cela par, synonyme pour lui du concept pictural de la Composition Cette improvisation, (comme les compositions qui suivront jusqu'en 1921) peut être considérée comme le point d'orgue refermant sa phase expressionniste où les formes abstraites l'emportent, traduit sa dévorante ardeur, l'approche d'un malheur (la Première Guerre mondiale). [...]
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