Paul Klee, célèbre peintre contemporain, commence l'un des chapitres de son livre La théorie de l'art moderne par cette citation : « L'art ne reproduit pas le visible. Il rend visible ».
Il oppose donc ici deux conceptions de l'art, la première, celle attribuée aux antiques, comme Platon et Aristote, qui affirme que la tâche de l'artiste est celle d'un imitateur, et la seconde, conception post-moderne de l'art, qui donne à l'art un pouvoir tout autre : celui de pouvoir exprimer le réel. Cette citation nous amène donc à nous interroger : quel rôle l'art joue-t-il dans notre accès au réel ?
[...] La contradiction initiale est ainsi dépassée. Imaginaire et réel ne s'opposent plus, mais au contraire se complètent. L'artiste, en étant détaché et éloigné du monde, en ayant plus de recul est plus apte à bien le voir. C'est ce qu'explique Bergson dans La pensée et le mouvant[1][2]. En étant détaché du monde et de l'action ce que nous avons l'habitude d'appeler le réel et qui constitue notre quotidien l'artiste a développé une autre manière de voir, un autre rapport au monde. [...]
[...] L'utilité de l'objet n'est pas son premier motif. C'est la raison pour laquelle on dit de l'art qu'il est désintéressé. Le tableau est fait pour être regardé, pas pour servir à quelque chose. L'œuvre d'art a aussi pour premier caractère l'originalité, elle est unique, ce qui la différentie par là également de l'objet technique. Kant refuse l'idée du beau en soi. Il considère que c'est notre jugement qui nous apprend qu'une chose est belle, mais cela ne nous permet en aucune manière d'accéder à une saisie intellectuelle de l'essence du beau. [...]
[...] Par ailleurs, l'imitation peut aussi porter que les modèles idéaux de la Nature ; de ce qui est parfait. Léonard de Vinci prend une position très nette dans ce sens, expliquant que c'est la Nature qui donne à l'art ses modèles ; le véritable artiste ayant cette aptitude à voir la perfection de la forme dans la Nature pour être capable de les imiter, au lieu d'aller imiter un autre artiste. Pour les philosophes Antiques, comme Platon ou Aristote, la création artistique se doit de passer par l'imitation (mimésis) qui est l'essence de l'art et celui-ci doit être évalué dans son rapport à la connaissance. [...]
[...] Il ne suffit pas d'appliquer certaines règles fixes, stables, mécaniques pour pouvoir faire un tableau. Cela suppose un don, un talent, ce qui peut être résumé par la notion de génie. Lié à la notion d'inspiration, le génie qualifie la personne dont la création ne saurait être comprise selon les critères humains habituels. Cela suppose qu'elle possède un don ou qu'elle ait reçu une inspiration divine. Cependant, la connotation surhumaine du génie est estompée avec Kant qui le définit comme une faculté de produire des objets relevant des beaux arts et de créer des règles qui président à leur exécution. [...]
[...] Nous allons examiner dans un premier temps la thèse de Paul Klee, selon laquelle l'art permet de rendre visible et non pas de reproduire le visible. Par visible, Paul Klee entend tout ce qui appartient au domaine de la réalité, du réel. Sa citation suppose donc un certain pouvoir de l'art, qui consisterait à permettre à l'homme d'accéder au réel par son biais. Elle récuse de ce fait la validité de la restitution plus ou moins fidèle de l'apparence extérieure des choses. [...]
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