Depuis le premier établissement ouvert au XVIème siècle à Oxford – l'Ashmolean Museum – les musées sont apparus comme le moyen privilégié d'offrir à plusieurs l'accès à des œuvres jusque là réservés à un usage privé. L'exposition dans un espace réservé permet de mettre à disposition du plus grand nombre des biens autrefois réservés à une minorité ; la volonté d'ouverture et de démocratisation est au cœur de la vocation originale du musée. Ce phénomène se renforce avec l'Aufklarung. La France ne reste pas à l'écart du processus et expose une infime partie des collections royales à partir de 1778 au palais du Luxembourg. La révolution marque un tournant avec la nationalisation des biens de la famille royale, du clergé et des nobles étrangers, biens exposés au Muséum central des Arts à partir de 1793 (aujourd'hui Musée du Louvre) et dans 15 grands musées provinciaux instaurés par le Consulat. Le musée s'inscrit dans une double perspective : il permet la conservation d'œuvres du passé et l'éducation du goût. Ces deux aspects sont intimement liés : comme signes d'un passé oublié, les œuvres se chargent d'émotions et apparaissent comme objets de goût par excellence. Mais conservation et éducation émergent comme autant de formes de contrainte puisqu'elles imposent la formulation de choix. Or l'art peut-il être libre s'il est indexé sur une forme de valeur, qu'elle soit marchande ou symbolique ? En réaction, le Palais de Tokyo se veut espace de liberté. Ainsi Pierre Restany, président du Palais lors de son inauguration, le considérait « comme une des rares aventures du monde de l'art aujourd'hui : la survie de la communication libre au niveau d'une génération qui est directement aux prises avec toutes les tentations d'homologations médiatiques. » Mais qu'en est-il en réalité
[...] Cet aspect sera abordé dans la présente étude car le Palais de Tokyo tente tout particulièrement de se distinguer par une série de mesures visant la démocratisation et la libération officielle de l'art contemporain. Nous tenterons dès lors de répondre aux interrogations suivantes : Quelle est la réelle portée des mesures adoptées ? Et dans quelle mesure la pratique rejoint-elle les discours ? Le Palais de Tokyo se spécialise dans l'art contemporain. Ce domaine suscite, qui plus est, un nombre élevé d'interrogations. [...]
[...] Mais par ailleurs, il sera étourdi par l'étrange mystère qui s'y réalisera, puisqu'un ensemble de liquides 'exotiques' sera mis en avant (jus de mangue Rani des Maldives, bière Egyptienne, Caïpelinia en sachet du Brésil ).Le bar sera un vrai phénomène : des lessiveuses de bouteilles fichées dans de la glace seront posées sur la plaque. La glace pilée pourra être éclairée par une ampoule coincée dans le bac. Des tubes Fluorescents seront coincés sous la surface du zinc pour permettre l'apparition d'une lumière douce dans l'origine à été masquée. L'essentiel de la lumière viendra des armoires. Le passage du serveur occasionnera un jeu d'ombres chinoises . [...]
[...] La politique des publics est-elle à la hauteur de cet art particulièrement difficile et exigent, ou cette difficulté supplémentaire sert-elle de prétexte pour revoir à la baisse la mission d'éducation du musée ? L'exigence de démocratisation n'est-elle pas également détournée pour légitimer cette transformation du musée en un centre de vie à l'image de notre époque qui risque finalement d'aboutir à une instrumentalisation économico-commerciale du musée (en faire un produit de consommation sur le marché du divertissement) ? Cette modification inavouée des rapports de force entre éducation et divertissement, qui conduit à une reconfiguration de la mission du musée et de l'art dans notre société, peut être envisagée selon deux axes, celui de l'interaction et de la médiation d'une part, celui des services proposés au visiteur/consommateur d'autre part. [...]
[...] Quel est le sens de ces activités. Ne sortent-elles pas totalement dangereusement- du champ de l'art ? Cette interrogation n'est cependant pas propre au Palais de Tokyo. Les transformations qu'a subi, pour prendre un exemple symptomatique, le Musée du Louvre, s'adjoignant une galerie commerciale, douze restaurants, des salles de projection cinéma, etc montrent qu'il s'agit d'une évolution structurelle des musées qui tendent davantage à divertir qu'à instruire. Proposer de nouveaux supports pour l'art L'ambiguïté du rôle sacralisant du Palais de Tokyo demeure si l'on étudie la nature des œuvres proposées au regard. [...]
[...] Or, l'art contemporain a récusé les paramètres jusque là admis comme les traits communs à ces œuvres : originalité, appartenance aux beaux arts savoir-faire de l'artiste Comment cependant imaginer un musée qui ne propose pas de références, qui ne sacralise pas les œuvres par le seul fait d'en exposer un nombre défini ? Et de ce fait, comment imaginer un musée d'Art Contemporain ? Le Palais de Tokyo : du monument à la place publique Le Palais de Tokyo a revendiqué, dès sa conception, le refus de consacrer ce qui explique qu'il se soit défait de ses collections. Mais peut-il véritablement exister sans, ipso facto, exercer ce pouvoir de définition et de sacralisation, fut-ce à l'égard de son objet propre, l'Art contemporain ? [...]
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