“Les matériaux de l'histoire sociale sont rares”, constate M. Baxandall. Non seulement ces matériaux sont rares, mais ils sont partiels et offrent une vision incomplète d'une société. Toute société développe ses propres techniques et habitudes, ainsi que la dimension visuelle qui leur est associée puisque la vue est le principal organe de l'expérience. Ces techniques et habitudes visuelles ne sont pas retranscrites dans les documents écrits, mais elles sont intégrées par les individus au cours de leur socialisation. Ainsi assimilées, elles forment part intégrante de leur moyen d'expression. C'est en considérant cela que le style des peintures, comme moyen d'expression du peintre est un matériau pertinent pour l'histoire sociale.
[...] II - L'oeil du Quattrocento . L'homme du acquérait au travers de ses activités des capacités qui pouvaient s'appliquer à l'observation d'une peinture. Baxandall décrit ces marchands du comme hommes d'affaires qui fréquentaient l'église et qui avaient du goût pour la danse.” Selon lui, ces hommes “sont bien plus justes et représentatifs de l'homme du Quattrocento que ne le sont d'autres communément reconnus comme tels - les “humanistes cultivés” par exemple.” Ce portrait n'est pas réellement un type, mais permet de comprendre quelques éléments constitutifs de l'homme du beau monde. [...]
[...] Les lectures qui sont faites peuvent alors être complètement faussées. Par exemple, quelqu'un qui ne connaîtrait pas l'histoire de l'Annonciation peut croire que Marie et Gabriel portent un culte à la colonne qui les sépare Toutes les appréciations, jugements de goût compris, qu'un spectateur portera sur l'oeuvre sont donc intimement liées à son style cognitif propre. L'essentiel de ce qu'on appelle le goût repose sur la concordance entre les opérations d'analyse que réclame une peinture et la capacité analytique du spectateur. [...]
[...] Peu importe si le public connaissait mal l'histoire, elle pouvait être interprétée “dans l'esprit d'un pas de deux.” La sensibilité que la danse représente demandait au public à interpréter des modèles de figures, et lui donnait une expérience des organisations semi-dramatiques, qui ont permis à Botticelli de compter sur une même facilité chez son public à interpréter ses groupes. On peut par exemple mettre en relation sa Naissance de Vénus et une danse, intitulée composée par Laurent le Magnifique vers 1460. Dans les deux cas, deux personnages latéraux dépendent d'un personnage central. Ces oeuvres étaient destinées à des personnes qui percevaient les groupes artistiques de la même façon. [...]
[...] L'esprit du public est le principe actif de visualisation dont chaque peintre doit tenir compte : l'oeuvre est la combinaison de la peinture et des processus de visualisation que le spectateur avait antérieurement opérés sur le même sujet. La plupart du temps, les peintres n'expriment pas leur culture de manière directe, mais complémentaire. Les indices permettant de reconnaître un personnage grâce à la connaissance de son histoire (attributs tels que clés, livres, animaux) sont certes présents, mais eux seuls ne permettent pas de saisir toute la subtilité des personnages. [...]
[...] Les tableaux rendent compte d'une activité visuelle, or une représentation picturale, tout comme une langue, est codifiée, est une activité conventionnelle dont il faut décrypter les normes. Baxandall cherche à reconstruire les conditions sociales de cette institution au siècle en Italie, et à comprendre ainsi l'intérêt porté à la peinture, et plus précisément à tel genre, telle manière, tel sujet. Il utilise pour cette reconstruction des matériaux empiriques variés comme des traités de peinture, de danse, d'éducation, ou des contrats. C'est une vision d'ensemble que M. Baxandall cherche à reconstituer, pour saisir l'homme social dans toute son ampleur. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture