Nicolas de Staël est un de ces peintres qui ont « trituré » la matière, allant de la surface plane de la toile à des œuvres en 3D lourdes et massives jouant avec la lumière. Ses œuvres démontrent en un certain sens de la volonté de Staël de montrer qu'il est désormais question de « l'être physique du tableau » de sa manière d'évoluer et de se diversifier au travers des changements qu'imposent ces reliefs, mais également de montrer toute la partie physique, celle effectuée par le peintre au travers de son couteau pur déposer ces couches vigoureuses de peinture.
La peinture de Staël est un véritable combat avec la matière, qui peut s'inscrire dans une histoire du matériel et de l'immatériel dans l'art contemporain. Il donne une matérialité, une vie à ses toiles abstraites grâce à cette épaisseur.
Nicolas de Staël est en quelque sorte un peintre-sculpteur, qui va tailler et sculpter dans les amas mêmes de couches de peinture pour créer des œuvres oscillant entre la planéité de la peinture et la tridimensionnalité de la sculpture, un peu comme un sculpteur ferait sortir d'une plaque de marbre les figures d'un bas, ou d'un haut relief.
Il va poser la question de la tridimensionnalité dans la peinture, en occultant toute figuration il se fixe sur un travail pur de la matière. Il me semble également intéressant, sans toutefois aller trop loin dans mon questionnement, de faire un parallèle avec la Renaissance, puisqu'ici on peut se demander si Nicolas de Staël ne va pas à sa manière « rejouer » la question du parangon des arts en démontrant que la peinture n'est pas totalement « plate ».
[...] Le peintre réussit là à concilier une pâte épaisse avec des transparences. Une nuée blanchâtre, rendue diaphane par endroits à l'aide de frottis, charge le paysage de lumière et d'humidité. Renoncer à la matière, à ce par quoi même s'identifie justement sa peinture, va alors être le pari du peintre. Abandonnant couteaux, racloirs et truelles, il opte pour une peinture fluide. À son retour d'Italie, il peint à plat sur le sol ses premières natures mortes allégées. Dans ses Paysages de Sicile, il rompt avec les épaisseurs. [...]
[...] Sa solution : il considère la peinture comme une matière vivante. De Staël est en perpétuelle quête de nouveauté, de changement, comme en témoigne cette lettre qu'il adresse en 1954 à Jacques Dubourg : Ce que j'essaie, c'est un renouvellement continu, vraiment continu, et ce n'est pas facile. Ma peinture, je sais ce qu'elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force c'est une chose fragile dans le sens du bon, du sublime, c'est fragile comme l'amour Cette démarche, cette quête qu'il s'inflige n'est pas sans douleur. [...]
[...] L'espace est comme écrasé par la lumière. Il recourt à d'autres outils, mous, des pinceaux de plus en plus petits, des brosses, jusqu'aux gazes et aux cotons imbibés d'huile de térébenthine pour étendre la couleur sur la toile. La matière devient fine, transparente. Le désir de Nicolas de Staël de peindre toujours plus fin devient une obsession. En allégeant la matière, il fait entrer le réel, la figure, sur ses toiles. En diluant la pâte, en coupant l'huile d'essence, il retourne au pinceau et, dans le même temps, récupère l'image. [...]
[...] Hofmann pensait que l'acte de peindre comportait des significations psychologiques. Dans son cas, l'opulence de la couleur et du surfaçage était des signes d'une personnalité hédoniste. Il se distingue de la peinture pessimiste des expressionnistes abstraits de son époque par l'expression de sa joie de vivre. Avec Pre-dawn de 1960, une huile sur toile, on remarque des similitudes avec le travail de Staël, ici on se rapproche, dans de moindres mesures à son style bloc des carrés de couleurs appliqués sur la toile paraissant assez plat sont intercalés avec de grands traits, et de grandes figures beaucoup plus tourmentées dans leur façon de ressortir de la toile, ici il est incontestable d'y voir la main de l'artiste, faisant surgir dans des mouvements vifs et nets des reliefs réalisés avec force comparée aux aplats de couleurs qui sont à côté. [...]
[...] Nicolas de Staël va jouer avec la matière qui peut se triturer. Pendant dix ans, de 1945 à 1955, il manipule cette pâte sur-nourrie d'huile, l'alourdissant ou l'allégeant, à l'aide de couteaux, de truelles ou même de taloches à mortier Ces épaisseurs et ces opalescences se trouvent parfois rassemblées, comme éléments de la composition, dans une seule toile, Ciel à Honfleur À partir de 1953, il revient à la fluidité du pinceau, à la dilution de l'huile étalée au coton ou à la gaze, et la matière de ses toiles, d'accidentée et rugueuse, se fait de plus en plus légère, impalpable. [...]
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