Les musées occidentaux sont parfois vus comme de véritables antres regroupant les œuvres pillées à des pays ou des institutions plus faibles.
Pourtant, les musées avancent un tout autre discours, affirmant permettre l'accès à l'art et non le restreindre, lutter pour son l'universalité et non son accaparement par des élites.
De fait, on se demandera ici si les musées peuvent être considérés comme des organisations illégitimes qui s'accaparent l'art, ou si au contraire ils doivent être envisagés comme des institutions de protection des œuvres d'art et de mise en exergue de leur profonde valeur pour les hommes.
Après avoir souligné que les musées se sont souvent appuyés sur un contexte politique, historique ou économique instable pour entraîner la circulation d'œuvres d'art en leur faveur, on verra qu'ils sont majoritairement des institutions occidentales créées et dirigées par les élites visant à s'accaparer un art présenté comme universel. Pourtant, il apparaît que ce débat virulent autour de la propriété légitime des œuvres souligne aussi leur importance, et considérer les musées comme des cavernes en un sens cette fois platonicien, comme abritant des objets dénués de valeur, serait peut-être encore plus dangereux, entraînant le risque de faire perdre son importance à l'art voire de potentiellement lui porter atteinte.
[...] C'est aussi une manière de considérer les musées comme des lieux exposant des pièces de valeur. On comprend que la valeur de « trésors » des œuvres est avant tout une création a posteriori, justement lié au fait qu'on le juge digne d'être « volé ». Leur valeur est créée par l'institution même du musée et par la mise en scène qu'il met en place. Le terme « caverne » prend alors un nouveau sens. On pourrait le rapprocher de son sens platonicien : les musées seraient des cavernes au sens de royaumes de l'illusion, de l'imitation du réel. [...]
[...] Ce discours selon lequel la France aurait volé ces œuvres de Vinci à l'Italie, notamment le chef-d'œuvre qu'est la Joconde, est récurrent. Si la Joconde a en fait été achetée par François c'est davantage l'exil de l'artiste en France que les Italiens rejettent. La question de la propriété apparaît ici dénuée de sens : les œuvres de Vinci appartiennent-elles au pays où il est né, c'est-à-dire l'Italie, ou celui où il a vécu la majorité de son existence, en France ? [...]
[...] Pourtant, il apparaît que ce débat virulent autour de la propriété légitime des œuvres souligne aussi leur importance, et considérer les musées comme des cavernes en un sens cette fois platonicien, comme abritant des objets dénués de valeur, serait peut-être encore plus dangereux, entraînant le risque de faire perdre son importance à l'art voire de potentiellement lui porter atteinte. Dans un premier temps, on constate en pratique que les musées abritent souvent des collections d'œuvres acquises du fait d'un contexte historique, économique ou politique instable. Ces acquisitions apparaissent comme moralement critiquables, car elles jouent sur la fragilité d'un Etat ou d'une institution pour s'accaparer des œuvres d'art. De prime abord, les revendications d'individus ou d'organisation pour la restitution des œuvres semble légitime : il s'agirait de rendre ce qui a été volé, de réparer une erreur du passé. [...]
[...] Si les voleurs peuvent être condamnés voire remis en question, si l'on peut restituer les œuvres, l'institution du musée en soi n'est pas et ne doit pas être remise en cause. Elle joue parfois de l'histoire, mais cette histoire contribue aussi à écrire celle des œuvres. Elle les donne à voir, les protège, créé le mythe autour d'elles. Une œuvre, même à sa place prétendument légitime, est-elle réellement une œuvre d'art en dehors du musée ? [...]
[...] Ainsi, les musées sont avant tout une création occidentale, permettant aux élites de revendiquer un droit supérieur à accéder et à posséder l'art. Les musées sont des « cavernes de voleurs » au sens où ils permettent à une minorité de s'accaparer des arts locaux dans des pays trop faibles politiquement pour les protéger, voire des chefs d'œuvre considérés comme universels, mais pourtant dérobés aux yeux de la majorité du monde. Ainsi, même si les musées prétendent donner à voir les œuvres et les protéger des dégradations, il ne faut pas oublier la dimension symbolique qu'il y a pour eux à exposer des œuvres célèbres ou des arts salués par la critique. [...]
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