"Ce soir 24 décembre 1862, je pense à ma mort et au sort de mes pauvres petits travaux et de toutes ces compositions que je prends la peine de réunir. Séparées, elles périssent; prises ensemble, elles donnent un peu l'idée de ce que j'étais comme artiste et du milieu dans lequel je me plaisais à rêver."
En cette année 1862, où son ami Chassériau mourut, Moreau commença à songer à la nécessité de réunir ses travaux et ses oeuvres. Le projet fut laissé de côté et ce n'est qu'en 1895, après avoir épousé ses premiers succès, que le peintre prit la décision de
transformer sa maison de la rue la Rochefoucault en un musée. Il fit agrandir l'ancienne bâtisse de ses parents par l'architecte Albert Lafon. Le petit jardin qui se trouvait devant fut supprimé et la maison fut surmontée de deux vastes salles d'exposition. Pendant les dernières années de sa vie, Gustave Moreau se mit à classer ses carnets de dessins, y mit des titres, les signa et parfois les data. Il rédigea des notices pour expliquer la
signification de ses tableaux. Il réalisa des oeuvres de grands formats, dignes d'un musée et agrandit certaines toiles. En 1897, il mit au point son testament qui mis à part quelques dons particuliers, précisa le lègue de sa maison:
"ma maison sise 14, rue de la Rochefoucault,avec tout ce qu'elle contient: peintures, dessins, cartons,etc., travail de cinquante années, comme aussi ce que renferment dans la dite maison les anciens appartements occupés jadis par mon père et ma mère, à l'état, ou à son défaut à l'Ecole des Beaux Arts ou, à son défaut, à l'Institut de France (Académie des Beaux Arts) à cette condition expresse de garder toujours -ce serait mon voeu le plus cher- ou au moins aussi longtemps que possible, cette collection, en lui conservant ce caractère d'ensemble qui permette toujours de constater la somme de travail et d'efforts de l'artiste pendant sa vie".
A sa mort, en 1898, sa maison fut donc donnée à l'état. Le legs fut accepté avec réticence mais dés lors Henri Rupp, ancien élève de Moreau et légataire universel, commença à organiser le musée. Il répertoria plus de 6000 peintures, aquarelles et
cartons. Quelques mois plus tard le musée était prêt. Il fallut attendre quatre ans l'ouverture officielle, car les pouvoirs publics n'étaient pas convaincus de la nécessité de créer un musée constitué avant tout d'ébauches et de dessins préparatoires.
A son ouverture officielle en1903, le musée déçut le public étonné de n'y voir que des oeuvres inachevées, du moins selon les critères de l'époque.
En 1961, un rétrospective Gustave Moreau fut organisée au Louvre et c'est à partir de cette date que des expositions consacrées à l'artiste se multiplièrent à travers le monde.
Peu à peu le public redécouvrit l'oeuvre de Moreau et le musée connut une fréquentation accrue.
[...] Hélène à la porte Scée, huile sur toile,1880, musée G.Moreau Dans les deux salles du troisième étage sont réunies des oeuvres de tailles plus modestes. Un grand nombre d'entre elles sont des créations très personnelles dont les sujets ne se retrouvent pas dans les peintures que l'artiste vendit de son vivant. On y découvre la puissante originalité de l'artiste et ses audaces picturales les plus singulières. Un meuble tournant est consacré aux aquarelles, technique dans laquelle le peintre s'est particulièrement distingué. [...]
[...] Moreau trouva une éternelle source d'inspiration dans la mythologie grecque et dans la Bible. Ses sujets de prédilection sont ceux qui mettent en scène des femmes: Cléopâtre, Dalila, Pasiphaé, Léda, Salomé, Hélène ou Médée la magicienne. La femme pour Moreau est: "Dans son essence première, l'être inconscient, folle de l'inconnu, du mystère, éprise du diable, sous forme de séduction perverse ou diabolique". La femme est donc toujours représentée sous les traits d'une beauté froide, entourée de griffons, de monstres ou d'êtres maléfiques. C'est une femme inaccessible, rêvée. [...]
[...] Vue de la salle à manger Les murs de la salle à manger sont essentiellement recouverts de reproductions (gravures et photographies) d'oeuvres que Gustave Moreau avait vendu. Ainsi on peut y voir une gravure de la cathédrale de Strasbourg et une eau forte de Félix Bracquemont d'après Le roi David tableau présenté par Moreau à l'exposition universelle de 1878. Des livres et des médailles sont également présentés, des céramiques, sûrement héritées de la collection de son père et dont Moreau s'est inspiré pour des motifs dans Jupiter et Sémélé, ornent la vitrine au centre de la pièce. [...]
[...] En représentant la sphinge, agrippée à la poitrine d'Oedipe et échangeant avec lui une sorte de regard létal, Moreau donne une signification nouvelle au mythe en y introduisant une sexualité latente. Théophile Gautier le souligna: " Par une idée ingénieuse de Gustave Moreau, dans le monstre la bête n'est pas moins coquette que la femme". Des innombrables dessins préparatoires, des dizaines d'études pour les visages d'Oedipe et de la sphinge, ainsi que des dessins au crayon, à l'encre de chine et des aquarelles montrent le travail de Moreau pour accomplir ce chef d'oeuvre. [...]
[...] De ces artistes Moreau avouera que c'est Michel Ange qui le marqua le plus. Dans ce vestibule, on peut donc admirer des copies qu'il exécuta lors de son voyage: Le départ de Briséis, d'après une fresque antique, Danaé de Corrège ou encore La mort de Germanicus de Poussin, copie trés fidèle, de la taille de l'original. Moreau accordait une grande importance à l'étude des maîtres anciens; quand il devint à son tour professeur aux Beaux Arts, il poussa ses élèves à se rendre au Louvre afin d'y perfectionner leur technique. [...]
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