« Le plus fort de la bande ». Voilà comment le Premier peintre du roi Jean-Baptiste Pierre qualifiait Jean-François-Pierre Peyron en 1779, en le comparant aux autres pensionnaires de l'Académie de France à Rome. D'autres personnages non moins illustres ne tarissaient pas non plus d'éloges pour l'artiste originaire d'Aix-en-Provence : ainsi le comte d'Angiviller, directeur et ordonnateur des bâtiments du roi voyait aussi à l'époque en Pierre Peyron le meilleur espoir de la peinture française. Pourtant, un autre peintre se trouvait à l'Académie de France à Rome en 1779 : Jacques-Louis David, qui devait quelques années plus tard supplanter auprès du public et dans la mémoire collective son condisciple. A la veille de la Révolution, moins de dix ans après ces expériences romaines, David apparaissait en effet pour la grande majorité des amateurs d'art comme le renouveau de la peinture française. S'il y eut un tournant, il s'opéra donc entre ces deux dates et de ce point de vue, l'année 1787 semble révélatrice de ce retournement de situation. Cette année-là en effet les deux artistes présentèrent au Salon deux œuvres traitant du même sujet et au titre similaire : La Mort de Socrate. L'analogie s'arrêtait là : les tableaux différaient par leur format (98 centimètres sur 133 pour le tableau de Peyron, 130 sur 196 pour celui de David) mais aussi par leurs commanditaires : la toile de Peyron avait été commandée par le comte d'Angiviller pour le roi, celle de David par Charles Michel Trudaine de La Sablière. Par manque de temps, Pierre Peyron fut en outre contraint de n'exposer qu'une esquisse au Salon, l'œuvre achevée fut finalement présentée deux ans plus tard, au Salon de 1789. Pourtant, les deux tableaux furent inévitablement comparés par les critiques de l'époque, d'autant plus qu'ils furent présentés ostensiblement au public, à la même hauteur, à quelques mètres l'un de l'autre. Ce fut la consécration pour David que la critique dans sa grande majorité plébiscita. A l'issu de cet évènement, il sembla aux yeux des critiques avoir définitivement assuré sa suprématie. Aujourd'hui conservées au Statens Museum für Kunst de Copenhague (pour celle de Peyron), et au Metropolitan Museum of Art de New York (pour celle de David), ces deux œuvres peuvent être interprétées comme l'illustration des manières avec lesquelles les deux peintres entendirent gérer leurs carrières. La rivalité des deux artistes et leur affrontement attendu au Salon de 1787 avaient en effet singulièrement été mis en avant par les amateurs d'art après une première « victoire » de David sur Peyron au Salon de 1785, cette fois sur deux tableaux aux thématiques différentes.
On peut dès lors se demander à travers ces deux Mort de Socrate, comment les artistes se devaient de gérer leur carrière juste avant la Révolution.
Il faut bien comprendre en premier lieu que malgré le choix d'un thème commun, David et Peyron affichèrent dans ces deux toiles des orientations artistiques différentes. Dès lors, il convient de montrer en second lieu comment l'interprétation de ces divergences déboucha sur l'affirmation de la supériorité de David par rapport à Peyron.
[...] Par manque de temps, Pierre Peyron fut en outre contraint de n'exposer qu'une esquisse au Salon, l'œuvre achevée fut finalement présentée deux ans plus tard, au Salon de 1789. Pourtant, les deux tableaux furent inévitablement comparés par les critiques de l'époque, d'autant plus qu'ils furent présentés ostensiblement au public, à la même hauteur, à quelques mètres l'un de l'autre. Ce fut la consécration pour David que la critique dans sa grande majorité plébiscita. A l'issu de cet évènement, il sembla aux yeux des critiques avoir définitivement assuré sa suprématie. [...]
[...] Si l'on compare ensuite la Mort de Socrate de Peyron à ses autres œuvres, produites entre 1773 et 1787, on constate l'incapacité de ce peintre à développer à diversifier son art. Il choisit ainsi presque exclusivement des sujets d'histoire ancienne, qu'il traita bien souvent de la même manière (ainsi en 1782-83 Les funérailles de Miltiade, voir figure mais si novatrice qu'elle fût dans les années 1770, elle n'impressionnait plus dans les années 1780 durant lesquelles d'autres peintres, parmi lesquels David, l'avait poussée plus avant. [...]
[...] La mort de Socrate, par Jean-François-Pierre Peyron et Jacques-Louis David Le plus fort de la bande Voilà comment le Premier peintre du roi Jean-Baptiste Pierre qualifiait Jean-François-Pierre Peyron en 1779, en le comparant aux autres pensionnaires de l'Académie de France à Rome. D'autres personnages non moins illustres ne tarissaient pas non plus d'éloges pour l'artiste originaire d'Aix-en-Provence : ainsi le comte d'Angiviller, directeur et ordonnateur des bâtiments du roi voyait aussi à l'époque en Pierre Peyron le meilleur espoir de la peinture française. [...]
[...] David s'appropria en effet la démarche de Peyron, la poussant plus loin, transformant ce qui était un style froid en un véritable courant artistique que d'aucun appela d'une manière confuse si ce n'est erronée le néoclassicisme. Tendance qui triompha pour la première fois au Salon de 1785 avec Le serment des Horaces, où l'on trouvait déjà l'opposition marquée et rythmée des sentiments, dans un cadre dépouillé et austère : les éléments qui marquèrent plus tard la Mort de Socrate. Si David supplanta son rival en 1787, c'est donc avant tout parce qu'il sut faire évoluer son art pour l'accorder avec le goût de son temps. [...]
[...] De même traite-t-il les visages des personnages situés à mi-plan ou au second plan comme ceux du premier plan, sans tenter, au-delà d'un respect volontairement très relatif des proportions, de rendre compte de leur éloignement. Cet élément, qui semble s'opposer à l'idée d'un parfait illusionnisme figuratif, en rejoint un autre : les invraisemblances anatomiques placées par David dans cette toile. Platon par exemple, s'il était debout, serait en effet un géant, de même la jambe droite de Socrate est-elle trop haut placée par rapport à son bassin, la tête également d'un des personnages de droite (l'homme qui se la prend dans les mains en fixant Socrate) semble mal positionnée par rapport à ses épaules. [...]
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