Marc Chagall, visionnaire puissant, n'a cessé durant 80 années de produire tableaux, dessins et dans la dernière période de sa vie vitraux et mosaïques.
C'est à l'époque des premières expériences audacieuses du cubisme qu'il se trouva une vocation de peintre, c'est-à-dire au moment de la naissance de la nouvelle culture plastique du XXe siècle.
Pendant des décennies, Chagall y occupa une place majeure tout en étant marginale et insaisissable, constituant ainsi un des piliers de l'art moderne.
La complexité de son oeuvre, son éclectisme délibéré, sa volonté de se situer dans un monde hors du temps et du réel le rendent unique et contribuent incontestablement à cerner le personnage d'un certain mysticisme.
La Crucifixion Blanche, conservée à l'Art Institute de Chicago, est une toile de cette veine, puissamment évocatrice.
Aussi, que veut faire passer Chagall à travers sa peinture et de quelle manière y parvient-il?
L'étude préalable des racines profondes des représentations picturales du russe permettra d'appréhender la manière dont le peintre les extériorise.
[...] Ca pourrait être fait avec les doigts. la couleur, c'est elle qui donne le Geist" (l'Esprit en allemand). Il faut donc constater que ce qui est typiquement Chagallien, ce sont les déformations qui n'ont rien à voir avec celle du cubisme analytique mais au contraire font appel avec surprise à des images quasi-réalistes. Dans les tableaux du Russe, les personnages identifiables sont animés par des petites catastrophes: penchés en arrière, perdant leurs membres ou défiant la gravité. En conséquence les proportions sont abolies, des petites figures s'opposent à des plus grandes. [...]
[...] A son retour à Paris en 1923, Marc Chagall est un peintre célèbre. Quand Marc Chagall disparaît en 1985, c'est le dernier des grands peintres de dimension historique parmi ceux qui ont façonné l'art du XXe siècle qui part après une longue vie de création dédiée à la liberté. Puisant dans sa Russie natale et dans sa culture, Chagall a su traduire la poignante tragédie du peuple juif dont il est issu. Par sa peinture, il a exprimé au monde un monde où l'homme est l'essentiel de sa pensée, où la poésie est une référence nécessaire. [...]
[...] Chagall transforme donc le quotidien en merveilleux ou en tragique. Sa peinture déborde le cadre de la réalité visible et tangible, celle qui est accessible au commun des mortels. Dans cette mesure, son art peut effectivement être qualifié de surréel, bien qu'il ait au demeurant fort peu à voir avec la démarche intellectuelle du surréalisme. C'est la raison pour laquelle Chagall fut un moment sollicité par les surréalistes car André Breton estimait fort les tableaux précèdent la deuxième guerre mondiale comme des modèles d'une "explosion lyrique totale." Chagall reçut la visite de Max Ernst et de Paul Eluard mais sans lendemain. [...]
[...] Chagall a choisi de le peindre avec une auréole. Selon la croyance juive, le Christ n'y a pas droit, il n'est nullement le Messie rédempteur des hommes, qui fait triompher sur terre le royaume divin. Il n'est pas non plus le "roi des juifs". Pourtant, Chagall ne lui donne pas seulement l'abréviation romaine habituelle INRI en hébreux, signifiant "Jésus de Nazareth, roi des juifs", le peintre en écrit la phrase entière au-dessous. De plus, le linge qui ceinture les reins du Crucifié taillé dans un manteau de prières juif indique son origine juive. [...]
[...] Reprenant la définition que Maurice Denis donnait en 1890 de la peinture, Chagall dit: "Un tableau est une surface couverte avec des représentations de choses dans un certain ordre, dans lequel la logique et l'illustration n'ont aucune importance." Chagall a le goût des détails et des anecdotes précises, c'est l'étrangeté de la vie que captent ses peintures. Mais s'il crée des espaces heureux, il n'en oublie pas pour autant les malheurs et les violences. Au contraire d'autres artistes du XXe siècle, il n'oppose pas la peinture et le tragique. Très tôt, Marc Chagall fut au contact de l'antisémitisme. Il y avait dans la Russie tsariste suffisamment de règlements humiliants, de préjudices et de préjugés antisémites. Dans son roman " Les Frères Karamazov", Dostoïevsky parle d'un juif qui crucifie un enfant. [...]
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