Dès son apparition, "La Loïe Fuller", comme on la surnomme, séduit la presque totalité du monde littéraire et artistique et finit par s'imposer comme l'égérie de la Belle Epoque. Elle attire les foules mais aussi les artistes qui s'inspirent de ses danses dans leurs oeuvres, à l'image de l'affichiste Jules Chéret et de l'un de ses suiveurs Georges Meunier.
Par rapport à ce sujet, quatre problématiques nous sont apparues. D'abord, qui est cette figure de Loïe Fuller un peu oubliée aujourd'hui des profanes. Ensuite, qu'est-ce que l'affiche en soit et comment s'en accommodent Chéret et Meunier. Enfin, quel fut l'impact de l'image de Loïe sur les arts en général.
[...] Elle meurt en 1928. Les deux affiches étudiées faisant la promotion de La Danse du Feu, il convient de se pencher sur celle-ci. Pour La Danse du Feu qu'elle interprète sur la musique de Wagner, Loïe est immobile au centre de la scène et entourée de nimbes incendiaires. Son corps est cloué au sol et, par rapport à la danse classique, il refuse tout lien avec l'espace. La scène est plongée dans le noir et seul un carré de verre sur lequel se tient la danseuse sert de source lumineuse. [...]
[...] La danseuse est parfaitement dessinée, son corps apparaissant entièrement sur le fond sombre grâce à son fond coloré ainsi qu'à des traits noirs soulignant les contours sur ce même fond coloré (bras, main gauche, buste, hanches et jambes). Là, l'économie de moyen de Jules Chéret semble entrer en contradiction avec un dessin très développé d'où la fameuse ligne ondulante de l'Art Nouveau est absente. En effet, si le corps de Loïe est des plus réaliste, son voile et sa robe ont des contours très saccadés, comme déchirés et ne présentent aucun lien avec la fluidité intrinsèque de l'art de l'époque. Les tâches de couleur qui les entourent ne font que renforcer cet effet. [...]
[...] Le style de Chéret, qui atteint sa maturité vers la fin des années 1880, influença d'autres artistes à l'image de Georges Seurat. Ainsi, le thème abordé par ce dernier dans Le Cirque est à mettre en relation avec la place importante qu'occupe l'art de la piste dans l'œuvre de Chéret. Mais plus que par le sujet, c'est par l'agencement des figures que l'affichiste toucha le peintre. Ce n'est pas anodin si ce dernier se constitua une collection d'affiches. C'est indéniablement Chéret qui montre la voie à l'Europe entière. [...]
[...] Chéret avait une nette tendance à idéaliser ses personnages, les présentant souriants et animés de mouvements pleins de grâce. Les filles rococo de Chéret viennent des traditions de la peinture française, en particulier de Watteau qu'il étudia des heures durant au Louvre, mais aussi de Boucher et de Fragonard. Voilà pourquoi Degas salua l'affichiste comme étant "le Watteau des rues". Le dessin nerveux de Chéret, montrant des lignes brisées, déterminait toute l'affiche et une fois transféré sur la pierre, il servait de guide à chaque couleur. Ni source de lumière, ni ombre, ni profondeur ne venaient troubler l'image. [...]
[...] Les couleurs qu'utilise Meunier; le rouge, le rouge-orangé, l'orange, le jaune-orangé et le jaune rendent parfaitement cet effet de flamme. Rien à voir avec les dégradés de Chéret. Autre différence entre les deux hommes; le voile de Meunier est fait de lignes ondulantes qui reflètent bien plus l'art scénique de Loïe et l'esprit Art Nouveau que le rythme saccadé du voile de Chéret. De plus, la figure de Meunier est éclairée, pas celle de Chéret. Du coup, le carré lumineux représenté en perspective fait naître un sentiment de profondeur dans l'affiche, démarche absente chez Chéret. [...]
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