« Je suis né à Tulsa, Oklahoma en 1943. J'ai commencé à me shooter aux amphétamines à 16 ans. Je me suis shooté tous les jours, pendant trois ans, avec des copains, puis j'ai laissé tomber, mais j'ai repiqué ensuite pendant de nombreuses années. Une fois que l'aiguille est rentrée, elle ne ressort plus. »
Voici ce que l'on peu lire en première page de Tulsa, le premier recueil de photographies de Larry Clark, paru en 1972. Cette citation donne d'emblée le ton des premières images de Larry Clark, entre violence feutrée et nihilisme affirmé, dont est cependant absente toute scène voyeuriste. Peut-être est-ce là un avertissement sur ce qui est montré et sur la personnalité de l'artiste. Au fond il aurait pu simplement dire « je suis né à Tulsa, Oklahoma en 1943 », mais il a choisi de ne rien nous cacher, façon aussi de dire que rien ne sera non plus épargné dans ses photos. Image après images, Larry Clark va à l'essentiel et sélectionne, dans ce qui semble être propre vie, celles d'une urgence répétée du quotidien.
Larry Clark est un artiste qui a été projeté sur la scène artistique new-yorkaise en 1972 avec la parution de Tulsa, un ouvrage au tirage limité qui présentait des photos de lui et de ses amis pendant une période couvrant 8 ans de sa vie (1963-1971).
Dans Tulsa, il présente une galerie de portraits d'adolescents et de jeunes auxquels il s'identifie. Il photographie leur intime complicité du quotidien, dans cette crudité noir et blanc qui accentue l'aspect nihiliste des ambiances. Peu importe le contexte géographique ou personnel de l'artiste, ces photos sont caractérisées par un climat de malaise constant. Ce qui choquait à l'époque de Tulsa, c'est aussi le contexte dans lequel vivaient ces adolescents : non pas en métropole urbaine ou des banlieues à la violence quotidienne, mais une petite bourgade d'un état provincial l'Oklahoma, tellement synonyme de l'Amérique dite profonde où ces choses ne sont pas censées arriver.
La force ou la répulsion des photographies de Larry Clark est aussi à mettre en relation avec cet aspect des choses. De l'estompement de la norme à la nostalgie de l'adolescence, Clark développe un style d'écriture photographique nourri d'autobiographie et de doute, où la sincérité gagnera toujours sur l'ambiguïté affichée.
Larry Clark se met en scène dans les photographies de Tulsa, sa présence est toujours décelable car on sait de suite qu'il prend part à l'action. Il nous montre, à travers une sorte de reportage sur sa vie, ce que l'on ne veut pas voir exister.
[...] Dans l'interview donnée par Beaux Arts Magasine Wanted Larry Clark le journaliste souligne que l'influence de Larry Clark dans le monde de la mode depuis les années 1990 est primordiale avec l'exemple des campagnes de Calvin Klein qui montre des adolescents tels que Larry Clark les avait montrés auparavant. Ce à quoi Larry Clark rétorque que les gens de la mode n'ont pas une once d'idée, donc il volent et transforment ces idées. Pour ce qui est de mon influence, je n'y fais pas attention, et si un jour Calvin Klein me fait un chèque en disant Merci Larry tes photos sont cools ! Je le prendrai et lui dirai : Merci de t'en être rendu compte. [...]
[...] Force est de constater que ses films se nourrissent de la cohérence et de la puissance de son activité de photographe. Les enfants de Tulsa ressemblent beaucoup à ceux de Kids, même si, entre temps, le sida est apparu. Ce qui intéresse Larry Clark, c'est précisément le caractère fuyant et apparemment éternel de la jeunesse, ainsi que son pénible apprentissage de la vie. Au milieu des années 1990, les implications morales du réalisme subjectif n'étaient pas à chercher dans le milieu de l'art mais dans celui de la mode. [...]
[...] Cette citation nous montre vraiment que la dimension autobiographique dans l'œuvre de Larry Clark est comme le pilier et la source de son inspiration. Les travaux qu'il effectuera après Tulsa, en photographie mais aussi en cinéma seront toujours fortement marqués par cette présence de l'artiste. Dans une interview donnée par Hors Champ à propos de la sortie de son film Ken Park, on lui demande si le scénario est inspiré de son journal personnel, il répond que le film est basé sur des histoires de gens qu'il connaissait, de personnes avec qui il a grandit et photographie. [...]
[...] Les photographies de Tulsa combinent le style documentaire avec le style narratif d'un roman photo en accentuant sur l'intimité et l'intensité émotionnelle. Le sujet est à la fois graphique et controversé car il dérange. La nature apparemment illicite de l'engagement du photographe, la lumière sombre des photographies ainsi que le tirage limité de son recueil font apparaître un nouveau style de documentarisme subjectif. Mais plus que ça, les images et les livres sont une extension de la vie de l'artiste. [...]
[...] On n'en parlait jamais. Tout le monde le savait, mais personne n'en parlait. C'est probablement la raison pour laquelle j'ai commencé à raconter des histoires et à faire des livres de photographies. Pourquoi pouvait-on voir certaines choses alors que d'autres devaient être cachées ? disait Larry Clark lors d'une interview pour Hors Champ juste après la sortie de son film Ken Park. Comme un reportage nous montrerait des épisodes de famine, de guerre ou de catastrophes, Larry Clark nous montre un reportage sur sa vie et sur la violence d'adolescents perdus et toxicomanes, il cherche à ouvrir les yeux de l'Amérique bien pensante pour lui montrer ce qui existe. [...]
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