Lescurel (Jéhan de ou Jéhannot de), compositeur français du XIIIème-XIVème siécle, nous
est très peu connu. En effet, très peu d'informations nous sont parvenues au sujet de ses origines et
de sa vie. Cependant une hypothèse est fréquemment proposée : il est possible que Jéhan de
Lescurel fut issu d'une famille de la bourgeoisie parisienne. Par la suite, il aurait été novice à l'École de Notre-Dame en tant que clerc escolier puis il finit par être pendu en 1304 « au commun gibet des
larrons » avec quelques « autres filz aux bourgoiz de Paris » pour « plusieurs ancis, ras et aultres
forfaiz » concernant « plusieurs fames de religion et aultrez ». D'ailleurs, un de ses virelais contient
un acrostiche exceptionnellement étendu : « Dame, Jéhan de Lescurel vous salue ».
De son oeuvre, Lescurel ne nous a laissé que des chansons profanes : quinze ballades, douze
rondeaux et cinq virelais contenus dans le célèbre manuscrit BN.f.fr 146 à côté de la « version
musicale » du Roman de Fauvel. Lescurel a donc expérimenté majoritairement dans l'ensemble de
sa production les trois seules formes fixes de chansons profanes existantes aux XIIIème-XIVème
siècles (il nous faut tout de même considérer que ce qu'il nous reste de son oeuvre est plutôt
lacunaire puisque ses pièces regroupées par ordre alphabétique s'arrêtent à la lettre « g », ce qui, par conséquent, nous laisse supposer qu'une partie de sa production a été malheureusement perdue.
D'autre part, en-dehors de ses ballades, rondeaux et virelais, il nous a laissé deux « diz entez
sus refroiz de rondeaux » : Gracieuse, faitisse et sage (vingt-quatre strophes) et Gracieus temps est,
quant rosier (vingt-huit strophes).
L'oeuvre de Lescurel apparaît donc comme une oeuvre maîtresse pour l'étude des chansons
profanes et de leur forme aux XIIIème-XIVème siècles, d'autant plus que ce dernier se situe
exactement antre Adam de la Halle et Guillaume de Machaut, deux compositeurs très importants
dans le domaine de la chanson profane à deux époques différentes (l'Ars Antiqua et l'Ars Nova).
C'est pourquoi, l'analyse de pièces telles que le rondeau À vous douce débonnaire (dans ses versions
polyphonique et monophonique), ainsi qu'un autre rondeau célèbre Amours que vous ai meffait et
enfin la ballade Bontés, sen valours et pris permettra de mettre en relief les procédés musicaux et notamment les innovations utilisés par Lescurel qui ont contribués à faire évoluer la chanson
profane jusqu'à sa forme définitive.
[...] Cependant, il se démarque de ses prédécesseurs par son style proche de l'Ars Nova. Traditionnellement, on le situe entre les innovations d'Adam De La Halle et de Guillaume De Machaut. Les formes fixes qu'il utilise : rondeau, ballade, virelai prouvent leurs existences en tant que genres prééminents de la chanson profane du XIIIè-XIVè siècle. Avant d'être des formes fixes ses chansons étaient plutôt destinées à être des musiques de danse. Lescurel a le souci de donner plus d'autonomie et d'expressivité au discours musical, notamment par l'usage de structures internes élaborées, par des constructions mélodiques plus ornées, des mélismes plus étendus que dans les chansons des trouvères du XIIIè siècle. [...]
[...] En effet, on trouve dans la musique, à la fin de chaque vers, un silence quel qu'il soit (une demi-pause, un silence, un quart de soupir . Ceci peut être interprété comme un moyen musical utilisé par Lescureel pour refléter au mieux le caractère poétique du texte dans la musique (cela permet de marquer la différence entre les vers d'un poème et les phrases dans un texte!). On trouve également dans cette musique une caractéristique, semble-t-il, importante à signaler : Lescurel, déjà à cette époque, utilise les altérations et plus particulièrement, ici, le Sib et le Fa#. [...]
[...] Structure musicale Au plan musical, Lescurel utilise la forme fixe du rondeau : AbaAabAB. La musique est organisée en deux grandes phrases A et B qui génèrent toute la forme. La mélodie apparaît plus ornée et plus étendue que dans la musique des trouvères du XIIIème siècle. Elle se distingue aussi par sa notation mesurée qu'Adam de la Halle a lui-aussi utilisée. Cependant, il nous faut préciser que les chansons monodiques des trouvères comme celles d'Adam de la Halle ne la reprennent que très rarement. [...]
[...] La phrase A Première partie (mesure 1 à Teneur et voix médiane ont le même rythme et fonctionnent par bicinium jusqu'au soupir de la mesure 5. Parfois, la teneur passe au-dessus de la voix médiane (mesures 3 et ce qui est plutôt surprenant. Sur le mélisme douce les voix procèdent par des échanges et progressent en mouvements parallèles de sixtes et tierces. La voix du dessus se développe sur un mélisme brodé autour de Fa principalement : Fa-MiRé-Fa-Sol-Fa-Mi-Fa-Sol. La cadence en octave et tierce (imparfaite) à la mesure 5 fait penser à une demi-cadence. De plus, le texte, lui, ne conclue pas. [...]
[...] Dans cette pièce, le mode utilisé est le mode de Fa authente. Cependant, étrangement, le second couplet ne se résout pas sur un Fa mais sur un Mi, comme si le mode avait été changé juste sur les deux derniers vers du poème (soiot correspondant au changement de rimes). Pourtant, cela peut être expliqué par le fait que, précisément sur ces deux vers, le poète est vraiment désespéré comme on peut le constater à travers ses paroles : Pourrai ja avoir merci S'Amours n'a pitié de mi De même, par le biais de cette transformation musicale, Lescurel accentue très fortement le lien texte musique. [...]
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