Cette œuvre se situe à un entre-deux : entre monde sensible et spirituel, entre réalisme et symbolisme. Van Eyck replace cette scène imaginaire dans un contexte humain, qui fourmille alors de détails symboliques religieux (par exemple, les étoiles du carrelage sont un symbole marial) mais aussi historiques (la croix près du pont fait référence au traité d'Arras). La signification de certains éléments peut alors être double : le jardin clos est à la fois une allusion à la virginité mariale et à la mode des jardins, en plein essor à l'époque de Van Eyck. Sous le réalisme point l'imagination du peintre : ainsi, la ville est une synthèse de différentes cités réelles, qui concrétisent la vision de la Jérusalem céleste...
[...] Alors qu'il est d'usage que le donateur soit situé plus bas que la Vierge, Nicolas Rolin et Marie sont ici à la même hauteur. De plus, les détails qui singularisent chaque personnage leur confèrent le même degré de présence, hormis à l'ange qui semble émerger du décor. Pourtant, le regard de Rolin, perdu dans le lointain, indique bien que la Vierge et l'enfant sont de l'ordre de l'apparition lors d'une méditation. La discrétion des signes établissant la hiérarchie fait que l'on peut voir dans ce portrait la marque d'une certaine prétention du chancelier. [...]
[...] I - Van Eyck et la quête du réalisme Si ce n'est la présence surnaturelle de l'ange et l'attitude d'adulte de l'enfant Jésus, la scène paraît on ne peut plus réaliste. Différents degrés de réalité sont instaurés, la signification de chaque élément progressant du visible vers l'invisible. Afin d'instaurer une continuité entre le monde céleste et le monde terrestre, les personnages sont mis en scène dans la réalité contemporaine : tous les éléments de la scène religieuse, qui remonte pourtant à 15 siècles auparavant, sont familiers aux Flamands de l'époque. [...]
[...] Les diagonales du tableau délimitent en hauteur les espaces respectifs de la Vierge et du chancelier, tandis que des verticales les délimitent en largeur : le tiers de gauche est dévolu à Nicolas Rolin, tandis que la Vierge et l'Enfant occupent la moitié droite. Une répartition spatiale spirituelle L'espace du tableau est divisé entre la gauche et la droite, entre la partie où se tient Rolin et celle où trône Marie, entre le terrestre et le céleste. Le paysage est lui aussi composé selon cette division que matérialise la rivière : à gauche se trouvent les bâtiments civils, tandis qu'une cathédrale gothique figure dans la moitié céleste. [...]
[...] Avec la Vierge au chancelier Rolin, petit tableau votif, Van Eyck a inventé le portrait et le paysage. Par le biais de la peinture et avec une grande maestria, il donne une nouvelle vision du monde, à la fois réaliste et allégorique, et signe l'émergence de l'autonomisation de la peinture et des différents genres, considérés plus tard comme "mineurs". Il aura une grande influence sur les peintres flamands à venir, mais aucun n'égalera ce maître. Bibliographie Monographies DEKEYZER Brigitte, Les primitifs flamands, Artoria, Bruxelles LOUVET Corinne, Méditation près d'un jardin : la Vierge au chancelier Rolin de Jan Van Eyck, Médiaspaul, coll. [...]
[...] La mode des commandes de portraits témoigne de l'opulence de la bourgeoisie et, parfois, d'une piété moins sincère que "de parade". À l'époque, Rolin, qui s'est fait aussi représenter sur d'autres tableaux religieux, était d'ailleurs réputé pour sa faible piété . D'aucuns disaient que ces commandes étaient en fait des actes de dévotion destinés à contrer sa mauvaise réputation, liée à sa fonction de ministre des finances. Cette introduction de l'anecdote dans les tableaux religieux peut être vue comme l'indication des prémices de l'autonomisation de la peinture et de l'artiste. [...]
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