« Le théâtre n'est fait que pour être vu », disait Molière au XVIIe siècle. Ainsi le texte théâtral ne pouvait selon lui se suffire à lui-même, la représentation serait absolument essentielle pour faire émerger d'une pièce tout ce que l'écrit ne permet pas d'épuiser. Or si l'on s'attache à l'étymologie même du mot theatron qui a donné notre « théâtre », nous remarquons qu'il est question de l'action de regarder et de contempler. Lorsque l'on emploie le mot « théâtre », cela évoque aussitôt tout un univers, un espace dans lequel s'insère une pièce, une scène, la représentation de cette dernière. Il semblerait donc qu'il s'agisse aussi d'un public qui donne tout son sens au texte théâtral par son engouement ou au contraire son rejet d'une représentation qu'il pourrait considérer comme trop peu fidèle au texte. Dans "Les entretiens sur le fils naturel" de Diderot, Dorval considère qu'« une pièce est moins faite pour être lue que pour être représentée. La représentation de celle-ci vous a plu, il ne m'en faut pas davantage. » Il apparaît donc nécessaire de s'interroger sur l'importance et la légitimité du lien qui s'établit entre le texte théâtral et la représentation. En ce sens un lecteur doit-il être aussi spectateur pour saisir au mieux l'idée que se faisait l'auteur de sa création.
[...] On pourrait multiplier la liste des accessoires qui, ajoutés par un metteur en scène, se mêlent au texte sans le trahir tout en le dépassant parfois. Toutefois, les variétés et les variantes qu'ils rendent possibles ne seraient rien sans la présence et le jeu des acteurs. Sans doute, l'organisation de l'espace et la présence des accessoires peuvent-elles être réduites au maximum tant que la présence charnelle du comédien est assurée. Tout d'abord, c'est lui qui donne vie aux mots et figure toutes les résonances qu'ils peuvent prendre. [...]
[...] C'est le cas de la première scène du Misanthrope : Alceste explique en détail à Philinthe tout ce qu'il reproche au genre humain toute son effroyable haine ; son ami qui ne partage pas cette indignation doit écouter et par quelques sourires amusés ou indulgents va manifester sa compréhension ou sa sévérité. La scène repose sur l'affrontement de ces deux comportements sociaux, et d'entrée le public doit comprendre que face à la misanthropie d'Alceste, Philinthe représente le fameux honnête homme du XVIIe siècle. Si c'est bien le passage à la scène qui exploite toutes les potentialités du texte et si pour suggérer la découverte d'une pièce de théâtre, on utilise le plus souvent la formule aller au théâtre le texte confère à une pièce une part importante de son existence. [...]
[...] De nos jours, quand Marc, l'un des trois amis de la pièce contemporaine de Yasmina Réza, Art explique que son ami Serge vit bourgeoisement, qu'il a bien réussi étant dermatologue, qu'il aime l'art et vient d'acquérir un tableau blanc, avec des liserés blancs le lecteur verra forcément un salon cossu, bien meublé, décoré de tableaux et non de reproductions, dans lequel trône la nouvelle acquisition. Ces propres goûts, ses références, ses rêves composeront un intérieur à son image autant qu'à celle qu'il croit correspondre à Serge. [...]
[...] Enfin, certains textes semblent se situer à l'intersection du théâtre et du non théâtre On peut voir ainsi le texte de Montesquieu, extrait de L'Esprit des Lois, de l'esclavage des nègres En effet, il est construit sur une suite de courts paragraphes qui pourraient se dire comme autant de répliques et caricatureraient les préjugés qui circulaient dans les conversations de salons. Tous ces exemples nous montrent bien que l'identité du théâtre se construit d'abord sur la scène et grâce aux comédiens. Et c'est à lui que revient peut-être l'ultime mérite : à l'extrême limite, on peut accepter de se contenter d'écouter la lecture d'un texte de théâtre : une voix peut remplacer toutes les trouvailles de mise en scène, parce que l'humain réussit à communiquer toutes les émotions. [...]
[...] C'est après que l'on cherche à se procurer le texte. La fameuse «bataille d'Hernani s'est déroulée au théâtre. Globalement, la vraie démarche consiste à lire, imaginer, voir et comparer. Une pièce est donc faite pour être lue et pour être représentée. [...]
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