Il y a toujours une part qui échappe à la reproduction dans l'imitation. Cette part est-elle l'apanage de l'imagination ? Aussi imiter le réel implique-t-il de rejeter notre faculté à produire des images mentales ?
[...] L'imitation en art implique-t-elle nécessairement un rejet de l'imagination ? En apparence, l'imitation s'oppose à l'imagination. L'imitation en art suggère qu'une œuvre doit être ressemblante à un modèle. Or, si l'artiste doit s'appliquer à reproduire le réel, il n'y a pas de place pour son imagination. L'imagination peut se définir comme à la capacité de l'esprit à produire des images. S'imaginer quelque chose, c'est être capable de produire une image mentale de cette chose pour se la représenter. Avoir de l'imagination, au sens commun, c'est donc être capable de produire beaucoup d'images, et de ne pas se cantonner à ce que le réel nous propose. [...]
[...] L'imitation implique une part d'imagination. La doctrine de la mimesis (Aristote) suggère que l'art imite la nature. Mais cette imitation n'est pas une reproduction à l'identique : l'art ne recopie pas les apparences extérieures de la nature, mais il rivalise avec elle en ce qu'il est capable de produire à la manière dont la nature produit, et il peut même parachever ce qui, dans la nature, reste à l'état d'inachèvement. L'imitation n'est pas la copie conforme de la nature, elle n'est aucunement la représentation de quelque chose qui serait d'abord donné dans la nature. [...]
[...] L'imitation a donc trait à l'imagination. L'imitation permet de dévoiler des structures que seul l'artiste peut s'imaginer. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, c'est le naturel qui est le critère du beau, et le dogme de l'imitation régit l'activité esthétique et définit le classicisme. Sans doute est-ce un paradoxe, car on ne peut qu'être frappé, devant les œuvres du XVIIe siècle, par l'extraordinaire impression de convention et d'artifice qui semblent se dégager des œuvres qui se réclament pourtant de la nature. [...]
[...] Par contre, les produits de l'art, nous le savons, sont l'œuvre d'un créateur, d'une imagination qui préside à leur production, et c'est seulement par analogie que nous percevons la nature sur leur modèle. L'art doit avoir l'apparence de la nature, sans la reproduire complètement, et en cela l'art est du domaine de la liberté. Le talent que possède de l'imagination artistique est un don qui n'impose aucune contrainte à l'artiste sinon le devoir de le faire fructifier. L'art n'est donc pas une imitation de la nature, et si l'artiste n'a pas à imiter la nature c'est précisément parce que l'imagination appartient à la nature, dont elle prolonge l'agir par sa puissance créatrice. [...]
[...] L'imitation comme révélation dans l'art des potentialités de la nature par l'imagination. Imiter la nature peut aussi être compris comme donner à une œuvre une apparence de naturel. Il s'agit moins d'imiter au sens d'une représentation, fût-elle stylisée, que de produire avec la même aisance et la même spontanéité que la nature. Les produits de l'art doivent en effet posséder cette grâce qui fait que le travail de l'artiste n'apparaît pas dans l'œuvre produite, ce qui donne cette impression de naturel. [...]
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