Le document étudié est une affiche de Jules Chéret intitulée « Le pays des fées » et datant de 1889. Il s'agit d'une lithographie en couleur de 84 cm x 61 cm des imprimeries Chaix, créée à l'occasion de l'exposition universelle de 1889 qui consacrait entre autres la Tour Eiffel, la galerie des machines et la « fée électricité » . Cette affiche de spectacle a donc un usage publicitaire puisqu'elle met en lumière le « Jardin enchanté », célèbre parc d'attractions de l'époque qui pourrait s'apparenter au Disneyland actuel que nous connaissons tous, et elle invite les gens à s'y rendre.
À l'époque où l'affiche est réalisée, Chéret est alors le maître incontesté de l'affiche artistique. Successeur du pionnier de l'affiche moderne Jean-Alexis Rouchon, il éditera sa première affiche en 1867, un an après la dernière affiche de Rouchon. Il profitera des améliorations de ce dernier au niveau des techniques d'impression d'affiches (notamment l'ajout de la couleur), et de l'essor industriel de la France (1840 : l'affiche commerciale apparaît) pour se spécialiser dans la chromolithographie. Chéret réalisera dans toute sa carrière environ 1000 affiches, dont certaines restées très connues de nos jours.
L'affiche étant en pleine expansion à cette époque, on pourrait se donc s'interroger, après une analyse détaillée de l'œuvre, sur les fonctions et caractéristiques du support étudié, et sur son rapport au contenu pictural et typographique.
[...] Le regard du spectateur est guidé à travers toute cette agitation, et suit le mouvement, jusqu'au bâtiment que la chérette encadre de ses deux jambes, comme une porte que l'on ouvre au public. Là encore, la composition de l'image est au service du message publicitaire, puisqu'elle reflète toutes les caractéristiques correspondant au Jardin enchanté, tout en désignant implicitement l'entrée. L'image est bien cadrée, séparée des éléments purement typographiques par une fine bordure, ce qui est probablement dû à la volonté de l'artiste de bien cerner l'unité du contenu, mais à l'intérieur de celui-ci, les distinctions formelles sont beaucoup moins nettes. [...]
[...] Le bleu foncé installe le cadre nocturne, monde mystérieux de la fête et moment particulier où la magie opère, semble donc s'opposer à la luminosité du jaune-orangé, couleur du feu et peut-être représentation implicite de la révolution industrielle (découvertes de nouvelles énergies etc. ) Mis à part ce fort contraste visuel, l'affiche est empreinte d'une parfaite harmonie : la composition de celle-ci est très équilibrée, l'espace est bien géré. La chérette, qui occupe la place centrale de l'affiche, est penchée sur sa gauche et nous désigne le pays des fées qui a juste eu la place de se glisser entre sa tête et le bord de l'affiche. [...]
[...] Il parvient ici à donner assez de force et d'impact visuel à l'image pour qu'elle soit apte à interpeller d'elle-même les passants dans la rue, les invitant à regarder de plus près ce qu'elle a à proposer. Elle se fait donc un peu racoleuse mais n'est-ce pas le but même de la publicité : attirer et séduire le client ? Le talent de l'artiste français se manifeste d'autant plus que l'image ne sert qu'à illustrer le message publicitaire choisi ici, et qu'elle est déjà si forte. [...]
[...] La baguette magique de la jeune femme et les étoiles au-dessus de sa tête sont autant d'éléments qui font écho à ce monde mystérieux, troublant le spectateur par cette hésitation constante entre un univers réel et imaginaire. Mais l'ambiguïté n'est pas seulement présente à ce niveau puisqu'il existe dans l'œuvre d'autres éléments qui pourraient être sujets à controverse. Le texte situé à l'intérieur de l'image, n'a pas un statut bien défini par exemple : s'agit-il plus de mots ou de dessins ? La fluidité de leurs contours, la diversité typographique, les couleurs utilisées rendent la distinction entre le texte et l'image beaucoup moins évidente et confèrent notamment à l'expression le pays des fées un statu quasi-pictural. [...]
[...] Le but premier d'une affiche est d'informer la population, ce qui est ici le rôle de ces indications textuelles. Le regard du spectateur aborde l'œuvre en commençant par le titre (exposition universelle de 1889) qui localise, situe l'objet publicitaire dans un ensemble large, tout en faisant appel à un événement connu de tous, une figure familière et très en vogue à l'époque. Le passant va donc s'attarder sur cette affiche qui évoque d'entrée la célèbre et très appréciée exposition universelle de 1889 et la regarder plus en détail. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture