Pour l'inconscient collectif, le tatouage japonais renvoie au monde des yakuza, la pègre japonaise. Pourtant le tatouage au Japon a une histoire bien plus ancienne. Si la raison pour laquelle il pâtit d'une image négative semble évidente, nous verrons qu'elle remonte pourtant bien avant l'introduction de la pègre au Japon. Et que la symbolique accordée au tatouage a fortement changé et évolué au cours des siècles. Celui-ci s'est fortement développé durant la période d'Edo et a été marqué par le rejet, l'affirmation et l'interdiction.
Pourtant le tatouage japonais est un art à part entière. Il contient ses propres codes, compositions, son iconographie et ses symboles. C'est un art qui, nous le verrons, dépend d'une technique pointue, de par le support vivant et le rapport à la douleur, mais aussi par son essence même.
Il ne s'est pas développé indépendamment du reste de l'Histoire de l'Art du Japon. Il s'entremêle notamment avec l'estampe, avec lequel il entretiendra une relation très particulière et réciproque. De même, le Kabuki et le tatouage ne sont pas deux univers inconnus et hermétiques. Mais le tatouage, de par sa pérennité et son rapport particulier au corps, va inspirer d'autres formes d'art, et cela à travers le temps.
I) Une histoire marquée
Les premières traces de tatouages au Japon auraient été retrouvées sur des figurines en terre cuite datant de 5000 avant J.-C qui portaient sur leur visage des marques de tatouages gravées ou peintes. Ces figurines haniwa accompagnaient les morts dans l'inconnu, ainsi ces marques semblaient avoir des significations religieuses ou magiques. Mais c'est dans les Chroniques des Wei (Wei chi) rédigée vers 297 après J.-C. que pour la première fois le tatouage est évoqué. En effet, dans le chapitre des "Barbares de l'Est", on fait rapport des moeurs du peuple Wo (ou Wa). Il y est décrit des marques portées au visage et corps par ce peuple. Au départ pour des fonctions magiques, puis en ornements et en indications du rang social. De plus, "à l'Est du pays des peuples violents et tatoués" sont aussi évoqués dans les plus anciens textes japonais, le Nihon shoki et le Kojiki.
Une des plus anciennes formes de tatouages présente sur l'archipel japonais étaient les tatouages Aïnous. Les Aïnous étaient tatoués sur le visage ainsi que le dos des mains et des bras. Les tatouages étaient portés autour des lèvres, sur les joues, le front ou les sourcils. Ils avaient différentes fonctions : usage cosmétique ou de parure, tribales, indication d'arrivée à la maturité sexuelle, ainsi qu'à des fins religieuses (...)
[...] Inspiré par les récits de la tradition orale, le roman en japonais raconte l'histoire d'un chef rebelle tatoué défenseur des opprimés, dont les hauts faits de chevalerie et d'honneur sont très prisés au Japon. La bravoure et l'esprit des héros ont fasciné de nombreuses personnes à cette époque. En effet, les caractères des héros sont empreints de chevalerie. Ils n'étaient pas malveillants car ils volaient pour sauver les plus faibles du mal. Par conséquent, l'esprit de nombreux citoyens d'Edo y voyaient un exutoire à leurs sentiments frustrations et d'hostilité envers un pouvoir shôgunal oppressant. Les roturiers admiraient alors ces héros. [...]
[...] Edo est la période d'apogée pour le tatouage japonais. Signe de contestation plébéienne, c'est un art populaire qui se développe dans les classes inférieures. Le principal vecteur de cette mode semble être la publication en japonais du célèbre roman chinois Suidoken. L'histoire de cent huit hors-la-loi qui luttent contre la bureaucratie corrompue dont les illustrations de Kuniyoshi et Hokusai de bandits tatoués eurent beaucoup de succès. Mais cette expansion sera stoppée en 1868. Avec l'arrivée du bouddhisme et des doctrines confucianistes, au VIème siècle, la vision du tatouage change radicalement et il devient un peu de temps négatif. [...]
[...] Puis après l'abandon des tatouages pénales, la distinction disparue avec le temps. D'autres termes existent comme bunshin ("corps écrits"), zanhu peau qui reste") ou plus récemment shisei ("piquer du bleu"). Ces appellations soulignent différents aspect du tatouages, tels que le liens qu'il établit entre le corps et l'art ou encore son caractère permanent. Le tebori est le tatouage japonais traditionnel entièrement fait à la main et qui perdure encore chez certains maîtres tatoueurs. On utilise de fines aiguilles implantés plus ou moins nombreuses au bout d'un manche fait de bambou ou de métal. [...]
[...] Benten Kôzô est un dessin particulièrement populaire : c'est un bandit de la pièce Shiranami gonin otoko (Les cinq hommes de la vague blanche) qui se déguise souvent en femme. Et quand il est pris, il retire ses vêtement et se révèle ainsi être un homme fortement tatoué, terrifiant alors ses adversaires. De plus, ces bandits d'honneur iro-aku, mis en scène par le kabuki plaisent autant que les héros du Suidoken car ils renvoyaient aussi une provocation à l'égard du pouvoir. Mais le tatouage n'aura pas influencé seulement l'estampe et le kabuki. [...]
[...] Les tatouages étaient portés autour des lèvres, sur les joues, le front ou les sourcils. Ils avaient différentes fonctions: usage cosmétique ou de parure, tribales, indication d'arrivée à la maturité sexuelle, ainsi qu'à des fins religieuses. Tatouage de femme aïnou Plus tard, lors des guerres civiles de l'ère Sengoku, certains samurai se faisaient tatouer le symbole de leur clan sur le bras ou le corps. Lors des batailles, cette méthode permettait d'identifier à coup sûr les cadavres à une époque où les armures étaient volées et où l'on avait l'habitude de couper les têtes des ennemis. [...]
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