Illustrateur, dessinateur, graveur, peintre, sculpteur, Gustave Doré a laissé derrière lui une oeuvre considérable. Gustave Doré fut sans doute l'un des illustrateurs les plus remarquables et les plus prolifiques (abondante production littéraire pour un écrivain) du XIXe siècle.
Dès 1856, Doré défend le principe de la grande vignette hors-texte, opposé à la pratique jusqu'alors courante de la petite vignette insérée dans le cours du texte.
Il renonce donc à l'esthétique du croquis, caractéristique de tout ce que l'on a appelé la vignette romantique au profit des effets picturaux offerts par la gravure de teinte.
En choisissant d'illustrer des textes considérés comme des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale, il entendait également contribuer à la dignité de l'illustration en prouvant que cet art pouvait prétendre à la confrontation avec de tels textes.
[...] Dans l'édition de Stahl datée de 1883, une table des compositions de Gustave Doré est insérée en fin de volume et l'éditeur précise dans une note : Il n'y a pas à hésiter entre le devoir de laisser toute liberté à l'inspiration de l'artiste et le petit inconvénient de ne pas toujours montrer le passage imprimé en face du tableau qui devrait le reproduire. Avec des contes toujours si courts et des sujets d'ailleurs si universellement connus, toute légende, toute lettre au dessous de chaque gravure eût été superflue et eût gâté la disposition générale de l'édition. Le dessin est donc inspiré par le texte, mais il n'en est pas une mise en images. Il propose une lecture personnelle du texte. L'imaginaire proposé par le texte entre, pour ainsi dire, en résonance avec l'imaginaire de l'illustrateur. [...]
[...] Il s'agit bel et bien d'un ajout que Perrault fait des lieux. Doré interprète en fonction de son propre imaginaire les mots de l'écrivain. Mais il prolonge aussi de cette façon un élément inscrit dans le texte, celui d'une nature merveilleuse et puissante un certain degré de réalisme : Le caractère fantastique, onirique (relatif au rêve) même, des dessins de Doré se doublent d'un certain réalisme qui vient, là encore, souligner ce que les Contes peuvent avoir de terrifiant. L'illustration remet alors en question un horizon de lecture qui serait trop marqué non seulement par une vision enfantine du texte, mais aussi par une vision trop classique.( le conte comme réécriture galante de la tradition populaire- registre dans lequel les moralités inscrivent les histoires en fin de récit.). [...]
[...] Cette vision bucolique et pastorale est absente chez Perrault. - Illustration 40 : des gens du monde entier viennent prétendre à la main du jeune prince. Chez Perrault, le texte est plus allusif il n'en est point qui ne s'apprête / A venir présenter son doigt / Ni qui ne veuille céder son droit La réécriture en prose va dans le sens d'un plus grand pittoresque et gomme les difficultés interprétatives (liées au fait que non seulement le père veut épouser sa fille mais qu'en outre il la désire.), ainsi que les éléments qui inscrivent le récit dans un contexte culturel et idéologique trop lié au temps de Perrault. [...]
[...] Ce registre reste cependant très discret sur l'ensemble des gravures. Conclusion partielle Les illustrations de Gustave Doré mettent en évidence des caractéristiques inscrites dans le texte de Perrault, dont elles s'emparent pour proposer une vision singulière. Tout en étant fidèle au texte, Doré opère un choix qui se fait en fonction d'une sensibilité marquée par son époque, en l'occurrence le romantisme, et le merveilleux se teinte de fantastique. Le monde des contes apparaît comme un monde plus tourmenté et plus violent. [...]
[...] Bien au contraire, il frappe par son réalisme. La composition de l'illustration qui donne à voir la rencontre du loup et du petit chaperon rouge dans les bois est intéressante à ce titre : Le loup, bien plus grand que la petite fille semble l'encercler (dans un geste de prédateur), sa queue plongée dans l'ombre et légèrement tournée vers la petite fille qui le regarde avec la plus parfaite innocence, devient particulièrement terrifiante. Loin de vouloir faire des personnages des contes des personnages de fantaisie (dont les traits seraient formalisés), Doré choisit au contraire de les ancrer dans le réel, renforçant ainsi le caractère effrayant de l'univers décrit par Perrault. [...]
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