La graine et le mulet, Abdellatif Kechiche et John Cage ou l'art et la vie, Lea Seydoux, Adèle Exarchopoulos, réalisateur, François Bégaudeau, cinéastes français, Pialat, scénario, monsieur Beiji, oeuvre, montage du film, improvisations, film, théatre, palme d'or, cannes
Cette année, le réalisateur Abdellatif Kechiche, ainsi que ses deux actrices Adèle Exarchopoulos et Lea Seydoux, ont remporté, la Palme d'Or à l'unanimité du jury, pour leur film La Vie D'Adèle. Cet évènement récent qu'est le Festival de Cannes place l'artiste franco-tunisien sur le devant de la scène cinématographique et lui donne une portée importante. C'est cette influence créatrice de mythes et de mystères qui va nous pousser à satisfaire notre curiosité et à nous intéresser de plus près à ce qui est sans doute l'un des plus grands artistes français de notre génération.
Abdellatif Kechiche est né le 7 décembre 1960 à Tunis. Il arrive avec ses parents à Nice à l'âge de six ans. Passionné de théâtre, c'est la première voix qu'il va suivre, en suivant des cours d'art dramatique au Conservatoire d'Antibes. Il obtient plusieurs rôles au cinéma comme dans Thé à la menthe, alors âgé de 25 ans, dans la peau d'un jeune immigré algérien qui vit de petits vols. Cette première partie de vie est consacrée au métier d'acteur, mais il ne rompt pas avec celle-ci quand en 2000, avec La Faute à Voltaire, il passe derrière la caméra. En effet, son amour pour les acteurs reste grand. Il va participer à la naissance de nombreuses actrices comme Sara Forestier dans L'Esquive, ou Hafsia Herzi dans La Graine et le Mulet. Aujourd'hui, il est considéré par de nombreux écrivains et cinéphiles comme François Bégaudeau, comme l'un des plus grands cinéastes français vivants.
[...] C'est le cas dans cette deuxième scène. Le pauvre Sliman semblant vouloir bien faire, faible et fatigué, se fait sans motif montré, réprimandé par son chef de chantier. Entre un duel qui les opposera quand Sliman se fera licencier « T'es plus rentable », tout nous pousse à nous attacher plutôt à Sliman, à prendre son parti. Il n'a pas le pouvoir, il semble innocent, il reste calme et serein. Ses arguments nous parlent, mais n'ont aucun effet. Il travaille depuis les années 60', il a une famille, il a une personnalité bien affirmée, il parle lentement, semble sage, ce qui affirme son humanité, alors qu'il est traité comme un pion, un numéro. [...]
[...] Car quand Majid voit sa maîtresse arriver dans le restaurant, il s'enfuit en voiture, en emportant ainsi dans le coffre, le couscous, élément central du dîner. Nous voyons bien que c'est sans cesse le hasard qui rythme les différentes actions. Kechiche insiste là-dessus dans un dialogue entre Lilia et Sarah « C'est le mauvais œil/mais non, ça, c'est la vie quotidienne Il y a toujours des choses qui se passent, qui ne sont pas logiques, au mauvais moment ». Et pour le prouver, au même moment Julia reçoit un appel de Mme Dorner, la maîtresse de son mari. [...]
[...] On le sait très bon boulanger. Kechiche entretient lui aussi une grande passion pour la nourriture. Pour La Vie d'Adèle, il dit avoir pris Adèle Exarchopoulos pour sa bouche Dans La Graine et le Mulet, la cuisine à une place essentielle. Le sujet, le titre, l'intrigue, est très culinaire Mais Kechiche se réjouit surtout de voir ses acteurs manger. On mange avec ses doigts le couscous, dans la même assiette Abolition du règne bourgeois Tout comme Cage s'attaquait symboliquement à l'instrument bourgeois par excellence, le piano, avec le Piano Préparé (dans lequel il modifiait le son en insérant des clous entre les cordes), Kechiche place son film autour d'un milieu modeste d'origine maghrébine. [...]
[...] Toute son œuvre est influencée par la lutte des classes sociales, qui définissent les individus selon lui. C'est une idée qu'il reprend de Marivaux qu'il admire et le suit dans ses films. III. Une œuvre d'une complexité originale Si Kechiche, pour renouveler son Art, semble emprunter les mêmes voix que Cage et les autres artistes contemporains du 20e siècle, il produit néanmoins une œuvre originale et éloignée de tous mouvements artistiques. Nous allons voir que La Graine et le Mulet et le travail de Kechiche est en profondeur, d'une réelle complexité. [...]
[...] Très amoureux du théâtre, Kechiche connaît la tradition de la scène d'exposition. Ce qu'il veut introduire ici, c'est le cadre géographique et le milieu social des personnages. Mais derrière cette contemplation de la vie, se cache en fait la préparation anticipée de l'intrigue et de ses problèmes Le spectateur vierge, ne sait pas que Majid est marié, et que Mme Dorner qui semble l'attirer sexuellement au point de le faire arrêter sa présentation, est sa maîtresse. On ne sait pas quelles conséquences sur toute la dynamique familiale, vont avoir cette relation. [...]
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