Le XVe siècle voit se développer en France le goût pour les grandes épopées antiques,
traduites en tapisseries, notamment pendant le dernier tiers du siècle. De nombreux ateliers de
tapisseries se développent dans le Nord de la France, à Paris, Arras, mais aussi en Flandres
comme à Tournai ou Bruxelles.
La Guerre de Troie est un cycle qui apparaît pendant la seconde moitié du XVe siècle. Elle
acquiert une grande renommée, et est maintes fois copiée et reproduite. Cette tenture se compose
initialement de onze pièces, relatant divers récits de cette guerre mythique. Parmi ces onze pièces,
quatre sont gardées à la cathédrale de Zamora, en Espagne. Il s'agit des deuxième (« L'enlèvement
d'Hélène » [fig. 1]), sixième (« La tente d'Achille » [fig. 2]), huitième (« Mort d'Achille » [fig. 3]) et
onzième pièce (« La chute de Troie » [fig. 4])1. Chaque pièce est constituée de la même manière :
la scène principale est rythmée par divers personnages ainsi que des éléments architecturaux, et
complétées par un texte en français dans la bordure supérieure, latin dans la bordure inférieure.
Ce récit épique n'est non pas inspiré de l'antique Iliade d'Homère, mais d'un long poème en vers
du clerc Benoît de Saint-Maure, Le Roman de Troie, composé vers 1184 à la demande d'Aliénor
d'Aquitaine2.
L'histoire de cette tenture est assez peu connue, ses commanditaires incertains, de même
que le peintre ayant réalisé les cartons servant de modèles au tissage des pièces de tapisseries. De
même l'atelier, est lui aussi, incertain.
Il est alors intéressant au travers de l'analyse de « La chute de Troie », de voir comment le
récit légendaire est mise en page, comment le cartonnier a su traduire le tumulte d'une scène de
guerre, et ainsi de mettre en évidence les innovations picturales présentes dans cette tenture.
[...] La notion d'horror vacui est toujours présente en cette fin de Moyen Age en Europe du Nord. Les personnages sont traités en masses compactes, échelonnées SALET 1973, p REYNAUD 1978, p sur trois plans. Le premier est constitué par le Cheval et le temple d'Apollon ; le deuxième par les murailles de la ville ; le troisième par le fond à l'extrême gauche est l'extrême droite. Aucune ligne de force ne traduit l'effet de perspective, uniquement donné par les éléments vus en raccourcis mais aussi reliant un plan à une autre. [...]
[...] Ces armures sont finement travaillées et ornées parfois de têtes de lion, comme il est possible de le constater sur le carton [fig. 6]. Le cartonnier a ici mis en œuvre le principe de distorsion, actualisant ainsi la scène. Il en est de même en ce qui concerne les femmes. Elles sont vêtues de robes amples, aux motifs détaillés, traduisant la lourdeur du tissu. Elles ont, pour la majorité, la tête couverte d'un couvre-chef ne laissant pas paraître leurs cheveux. [...]
[...] Ce déroulement de trois moments différents sur la même scène est aussi visible sur la Broderie de Bayeux [fig. où les scènes ne sont que très rarement séparées. La couleur, quant à elle, participe aux effets de lumière, mais aussi marque le volume des masses. Le détail de L'enlèvement d'Hélène [fig. 10] montre la richesse des couleurs employées afin de réaliser la tenture. Les épisodes sont dominés par des tons chauds comme le rouge, l'orangé, le jaune, le brun, l'or. [...]
[...] Enfin à l'extrême droite, un vieil homme barbu, cerné de livres, montre la scène à deux jeunes gens : il s'agit peut-être de l'auteur du récit, Benoît de Saint-Maure1. Concernant la figure humaine, les personnages sont plutôt ramassés, de canon court. Leur tête est plutôt forte. Leur puissante stature est enveloppée dans une épaisse étoffe, barrant leur buste le plus souvent d'un pli diagonal. Leurs costumes sont inspirés de la mode orientalisante. Leurs attitudes sont marquées de manies, comme le fait d'avoir leur tête très en avant sur les épaules, leurs mentons sont en galoche. [...]
[...] La scène se déroule dans les murs de la ville de Troie. Le gigantesque cheval de bois offert par les Grecs trône centre de la scène. Devant lui s'élève le temple d'Apollon où Pyrrhus transperce de son épée Priam. Sur la gauche la droite du temple, la reine Hécube confie sa fille Polyxène à Anténor afin qu'il la mène en lieu sûr ; mais au lieu de SALET 1973, p. 50-60 SALET 1973, p cela, il la livre aux Grecs. [...]
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