Le Verrou de Fragonard se caractérise en premier lieu par sa genèse singulière : commande du Marquis de Véri, un des plus grands collectionneurs du siècle, qui possédait également les tableaux du contemporain Greuze, La malédiction paternelle : Le fils ingrat et Le fils puni, il fut réalisé comme pendant à l'Adoration des bergers, œuvre de Fragonard présentée pour la première fois à Londres en 1962 et au succès remarquable à la vente du Marquis de Véri en 1785, qualifié par le marchand d'art Paillet de « chef d'œuvre, dans lequel M. Fragonard semble avoir voulu prodiguer toutes les richesses d'une imagination vive et savante ».
[...] L'œuvre apparut ainsi froide et impersonnelle malgré le feu du sujet. Une conception nouvelle du tableau émerge, qui s'éloigne de la modernité libertine et galante du peintre. Le sujet est théâtralisé : la lumière, non violente, baigne le couple d'un halo doré doux et vaporeux, atténuant les contours, qu'on remarque par exemple dans le visage de la femme. La scène tend à devenir une situation rêvée ; selon Rosenberg, l'image est à la croisée d'une réalité palpitante et d'un rêve voluptueux Le sujet est également dramatisé par la présence des lourdes tentures carmin. [...]
[...] Fragonard semble avoir voulu prodiguer toutes les richesses d'une imagination vive et savante I. Histoire d'une composition picturale Le tableau lui-même fut précédé de trois dessins au lavis probablement réalisés dans les années 1760, et d'une esquisse à l'huile vers 1777 appartenant à une collection privée. Ceux-ci se distinguent néanmoins de l'œuvre finale : le décor plus riche, la jeunesse plus flagrante des personnages et le lit non défait des dessins ont subi des modifications. De même, aux couleurs froides de l'esquisse, dont le style rococo est plus marqué, ont été substitués des tons beaucoup plus chauds. [...]
[...] P. Fresnault-Deruelle, La diagonale site du Musée Critique de la Sorbonne (http://mucri.univ-paris1.fr/mucri10/article.php3?id_article=34) C. [...]
[...] ( ) Après avoir calmé quelques craintes, comme je n'étais pas venu là pour causer, j'ai risqué quelques libertés. ( ) Portant toute son attention, toutes se forces, à se défendre d'un baiser, qui n'était qu'une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n'en pas profiter ! ( ) La petite fille, toute effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s'est éteinte dans les pleurs. Elle s'était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps. [...]
[...] Cependant, au-delà même du caractère érotique du Verrou, c'est sa nature de pendant à un tableau religieux qui choqua. Liant un tableau célébrant l'amour sacré, familial et religieux, la pureté et l'innocence de l'enfant Jésus à une œuvre profane où la violence de l'amour charnel éclatent, Fragonard créé la surprise. Lenoir défendait ainsi le peintre qu'il avait connu, qui selon ses confidences se crut obligé, par un contraste bizarre et croyant faire preuve de génie, d'exécuter un tableau libre et rempli de passion, connu sous le nom de Verrou La singularité de cette association pourrait également être rapprochée, selon Thuillier, de la tentation d'Adam et Eve qui faisait pendant à la Nativité, tout comme la faute à la rédemption De même, Le Verrou agita les passions et provoqua une polémique quant au genre auquel l'œuvre rattachait le peintre ; c'est ainsi un vif débat qui se produisit entre l'Abbé de Fontenai qui jugeait l'œuvre d'un genre inférieur et St Félix, pour qui celle-ci annonçait la création d'un peintre d'histoire qualification sous laquelle il était par ailleurs agréé à l'Académie. [...]
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