La récente affaire de l'ouverture d'un Louvre bis aux Emirats Arabes Unis aura au moins eu pour mérite de susciter, dans la presse mais aussi chez de nombreux particuliers, un vif débat quant à l'adéquation entre les missions traditionnelles de nos musées et l'apport toujours plus grand de financements privés ; événement qui ne manque pas de s'inscrire dans une tendance plus globale de privatisation au sens le plus large du terme, à savoir une course effrénée aux financements privés, pour beaucoup due au désengagement financier de l'Etat.
Cette récente évolution pose la question de la compatibilité entre les financements privés et les missions de nos musées envers le public. Dans quelle mesure ces missions et devoirs n'en pâtiront-ils pas ? (...)
[...] La défaillance du système de financement par l'Etat A. Des collections à caractère national En effet, n'oublions pas que le système traditionnel de gestion des musées en France est quasi unique, de par l'histoire même du pays. Nos musées sont nationaux dans l'âme, quel que soit leur mode de gestion. Même les petits musées territoriaux conservent des œuvres et des témoignages de l'histoire commune et non pas uniquement des œuvres du territoire concerné. Cela provient d'une part du fait que la France est unifiée depuis longtemps, et que donc les œuvres appartiennent à un fonds culturel commun et protégé par tous, d'autre part par la volonté post-révolutionnaire d'établir une République solidaire et indivise et enfin de façon plus prosaïque, des dépôts du Louvre dans les musées de province. [...]
[...] Comment accepter qu'un établissement étranger porte-il le nom, fut-ce-t-il légalement une marque, d'un ancien palais royal français ? Ouvrir la voie à la vente de biens culturels mène directement à mêler marché de l'art et conservation du patrimoine national. Les publics restent bien sûr au cœur de la question, car ceux sont eux qui en pâtiront en premier, qui subiront les expositions-spectacles, les absences des œuvres pour une longue durée, le non-développement d'un musée local pour cause de projet de délocalisation à l'autre bout de la planète etc. [...]
[...] Conclusion En conclusion, les missions des musées envers leurs publics sont l'enjeu essentiel des questions actuelles de financement. Le financement privé, rendu nécessaire par l'incapacité de l'Etat à gérer les musées se développe de plus en plus. Pour l'instant, les missions envers les publics sont peu touchées, protégées en France par une législation ferme, une certaine déontologie et une vigilance des professionnels. Le même problème se pose pour les missions premières des musées, en particulier la collecte, la conservation et la diffusion du patrimoine, conditions premières d'un rendu au public. [...]
[...] Le recours à l'argent privé pour pallier ce désengagement En effet, le financement privé peut pallier un déficit public en la matière. D'ailleurs, l'Etat encourage ces pratiques sous certains aspects. A. Le recours au mécénat Premièrement, c'est le cas du mécénat, encouragé par des dispositions fiscales avantageuses, en particulier pour les entreprises qui acceptent de financer l'acquisition d'œuvres. Ces pratiques satisfont des besoins ponctuels mais peuvent être menées sur le long terme, en particulier lorsqu'il s'agit de financer un cycle d'expositions ou la rénovation d'une ou plusieurs salles, comme c'est aussi le cas pour les monuments historiques, des actions nécessaires à la mise en œuvre des missions du musée. [...]
[...] Le public français sera privé d'œuvres pendant un temps bien plus long que les prêts temporaires. Mais cela permet d'apporter des financements non négligeables et de diffuser une certaine image de la France, de démocratiser la culture, dans le sens où les visiteurs étrangers pourront voir les œuvres plusieurs fois sans se déplacer en Europe. C. Le développement des succursales Enfin, l'évolution la plus aboutie de ce phénomène reste la création de succursales des grands musées comme peut le faire le centre Pompidou à Shangaï ou comme l'avait déjà fait le musée Guggenheim, sauf que cette pratique, exercée dans le cadre privé, ne choquait pas autant que lorsqu'il s'agit de musées publics français. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture