La contemporanéité de l'art africain suscite de nombreux débats et controverses en Europe depuis l'exposition « Magiciens de la Terre » en 1989. Cet art longtemps considéré comme objet ethnographique traditionnel, revendique un droit d'égalité sur la scène internationale artistique, et refuse l'aliénation aux conceptions occidentales de l'exposition. Ceci entraîne des changements fondamentaux au sein des institutions muséales qui veulent l'exposer, autant en Europe qu'en Afrique. Ces changements constituent un enjeu social et politique majeur, dans la réappropriation par l'Afrique de son patrimoine.
Croiser les deux approches muséales de l'art contemporain africain, c'est-à-dire relever les discours sous-jacents dans les expositions en Europe et en Afrique de cet art, permet de saisir les changements sociaux et identitaires qui s'opèrent en Afrique depuis quelques années. Cet examen montre d'une part que la compréhension de l'œuvre d'art passe par le dépassement des grandes classifications (ethnographiques/artistiques) et par l'abandon des conceptions universalistes des grandes institutions européennes, d'autre part que l'Afrique tente de se réapproprier cet héritage colonial qu'est le musée, en affirmant son rôle social et identitaire.
[...] Cette position corrobore le fait que toutes les expressions culturelles surgies du continent sont identifiables à l'esthétique, ou aux esthétiques sous-jacentes aux différentes valeurs africaines Nous pensons, en effet que tous les plasticiens africains vivent, généralement, dans des réalités et des systèmes tout à fait similaires. Leurs propres œuvres semblent épouser les formes d'une ‘unité dans la diversité' qui donne des chances non négligeables à l'Afrique.[15] Ces dernières années, l'urbanisation, l'introduction de la technologie occidentale et de la culture matérielle, le développement de l'alphabétisation, et le développement d'un marché de l'art, sous le patronage européen, entraînent l'apparition d'un genre artistique nouveau. [...]
[...] Cela créa un grand décalage entre les zones urbaines (regroupant les universités, la presse et les musées) et les zones rurales, qui avaient très peu de contacts avec l'état. Les artistes de l'école de Dakar ont bénéficié d'une aide importante de l'état et se sont fait connaître internationalement. Leurs oeuvres sont devenues principalement picturales et plus abstraites et décoratives, que le réalisme qui caractérisait la majeure partie de l'art africain à l'époque. Les thèmes demeuraient traditionnels, mais les artistes les transformaient en motifs purement décoratifs. [...]
[...] L'Afrique semble elle aussi en voie de renégociation avec ses musées, héritiers de l'époque coloniale. Cependant, le chemin semble plus long, multiplié par la distance qui sépare l'Afrique de l'Europe, l'Afrique de ses objets. II- L'exposition des œuvres d'art contemporaines d'artistes africains en Afrique L'un des paradoxes qui intervient dans l'élaboration d'une définition de la place occupée par les artistes africains dans le paysage contemporain est que celle-ci tient largement à leur présence en dehors du continent lui- même. En effet, les rares manifestations organisées sur le sol africain sont les Biennales de Bamako et de Dakar, la chaotique Biennale du Caire, l'éphémère Biennale de Johannesburg et l'innovante Biennale d'Harare, en préparation pour 2006. [...]
[...] Cette exposition a éveillé un débat culturel important et éloquent des problèmes que pose la contemporanéité de l'œuvre d'art africaine. D'un côté se trouvent les chercheurs, qui considèrent cette expérience comme un enrichissement mutuel de toutes les expressions les oeuvres extra-occidentales[2] seraient valorisées par la cohabitation avec les œuvres occidentales et inversement. En effet, le choix des artistes semble indiquer une véritable volonté d'égalité entre les artistes occidentaux et extra-occidentaux. Tout d'abord, par leur nombre : cinquante artistes occidentaux et cinquante artistes africains ; par les critères de sélection : les artistes sont choisis de manière totalement arbitraire, subjective, uniquement par des critères esthétiques ; enfin par leur juxtaposition dans un même espace muséal. [...]
[...] Les expériences esquissées dans cette recherche montrent que le changement est enclenché, mais qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir, avant que l'Afrique devienne autonome dans la définition de son art. Le monde des musées est au seuil de nouvelles approches du patrimoine et d'un dialogue renouvelé entre les cultures. Bibliographie Ouvrages généraux AMSELLE, Jean-Loup L'art de la friche, essai sur l'art africain contemporain. Paris : Flammarion. 213p. BUSCA, Joëlle L'art contemporain africain : du colonialisme au postcolonialisme. Paris : L'Harmattan. [...]
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