L'art négro-africain : valeurs et particularités

Résumé du document

Le niveau actuel des connaissances scientifiques sur l'expression artistique des peuples d'Afrique est relativement élevé. Malgré cela, il n'a pas, sous bien des rapports, occupé la place qui lui revient de droit dans l'histoire mondiale des arts. La valeur esthétique de l'art des peuples de l'Afrique tropicale centrale et occidentale était encore à peu près totalement ignorée au début du XXe siècle, tant en Europe qu'en Amérique. Les oeuvres d'artistes africains, qui, bien avant cette époque, avaient, par des chemins différents, pénétré en Europe et sur d'autres continents, demeuraient dans des musées, dans des boutiques ou dans des collections privées. Elles représentaient des objets d'étude, des particularités du mode de vie et des habitudes des Africains, et elles n'étaient pas jugées pas du point de vue de leur valeur esthétique.

Extraits

[...] L'intérêt pour l'art de l'Afrique est manifesté aujourd'hui non seulement par les Européens, mais aussi, ce qui est très important, par les Africains eux-mêmes qui entreprennent une étude toujours plus approfondie de ses origines et son histoire. L'art africain, y compris la statuaire et les masques, est depuis très longtemps classé dans les ouvrages européens et américains sous le vocable d'art primitif. Cependant, ce qualificatif correspond-il au contenu de l'art africain quel que soit le stade de son développement ? Il semble que non. [...]

[...] C'est ainsi que fut découverte la plus ancienne de toutes les civilisations connues de l'Afrique tropicale centrale et occidentale. Les représentations sculptures anthropomorphes de la civilisation de Nok frappent par leur niveau artistique, leur expressivité et leur réalisme. La plastique des formes, la maîtrise du modelé et de la technique de cuisson prouvent de façon convaincante que le développement de cette culture s'échelonna sur une très longue période. Peu après sur le rivage sud du lac Tchad fût découverte une autre civilisation de l'Afrique tropicale centrale et occidentale nommée Sao d'après le peuple habitant la contrée. [...]

[...] Il est vrai qu'une transposition inconsidérée des normes esthétiques européennes dans l'étude de l'art africain, non accompagnée d'une analyse approfondie de son contenu, de ses motivations, des impulsions sociales et religieuses ayant sous-tendu son développement, ne peut pas en dégager le contenu et, à plus forte raison, la vocation. Or, le contenu de l'art africain et ses motivations ne sont pas primitifs. Conclusion Cependant dans l'art africain sont présentes beaucoup plus que dans l'expression artistique européenne non seulement les normes esthétiques, mais aussi celles qui régissent la vie quotidienne de l'homme avec, évidemment, ses aspirations, ses joies et ses peines. [...]

[...] La raison de cela apparaît clairement. Si la forme de l'objet constituait son unique réalité et ne renvoyait pas à quelque chose qui la dépasse: «L'image se suffisant à elle-même, s'insérerait telle quelle dans le réel, avec les limitations propres aux objets et faillirait alors à son but qui est de révéler au-delà du monde visible, l'univers hiérarchisé des forces vitales»[5]. Sans doute, on ne doit pas mettre sur le même plan la parole profane à structure énonciatrice ou implicative, et la parole secrète ou sacrée, accessible seulement au prêtre à l'initié; bien qu'il faille se persuader que leur différence n'est pas de nature mais de degré, la seconde étant seulement davantage chargée de potentialité ou de surréalité. [...]

[...] Le Kuntu correspond à la catégorie occidentale de moralité. La détermination de l'image, ou plus simplement de l'apparence sensible, consiste à pourvoir l'image «d'indices plastiques exprimant la catégorie ou la sous-catégorie ontologique dans laquelle l'image est appelée à figurer». Elle se situe, pourrions-nous dire, au point de rencontre: du génie propre à l'artiste, lequel comporte toujours une certaine marge d'indétermination, des patterns socioculturels où se rejoignent les techniques traditionnelles et les influences étrangères liées aux migrations, enfin, de la finalité de l'objet ou de l'acte artistique: jeu, prière, activité utilitaire. [...]