A la différence des peintures de genre qui représentaient des humains ordinaires, Watteau avait un penchant pour les sujets du théâtre, les personnages élégants, les fêtes champêtres : il était l'inventeur des « fêtes galantes », les tableaux de genre français comme les siens se trouvaient alors légitimés car ils étaient associés à la richesse, aux loisirs, et à la classe dirigeante. C'est cet univers que nous allons maintenant tenter de décrire.
[...] De cet élément nouveau, il va en dégager la poésie et le sentiment. Watteau présente, en 1712, quelques-unes de ses œuvres à l'Académie, qui l'agréée sur le champ (sur la recommandation de Charles de La Fosse, frappé par son génie), et lui demande de peindre son morceau de réception. Fait exceptionnel : le sujet est laissé à sa libre appréciation ! Avec son agrément commence l'épanouissement de sa manière. Son morceau de réception viendra cinq ans plus tard, avec le Pèlerinage à l'île de Cythère. [...]
[...] En effet, Watteau, qui préférait le dessin aux contraintes de la peinture, avait mis au point un procédé, qui est expliqué par le Comte de Caylus dans sa Vie de Watteau : Je dis que le plus ordinairement du monde il dessinoit sans objet. Car jamais il n'a fait ni esquisse ni pensée pour aucun de ses tableaux, quelques légères et quelque peu arrêtées que ça pu être. Sa coutume étoit de dessiner ses études dans un livre relié, de façon qu'il en avoit toujours un grand nombre sous sa main [ ] Quand il lui prenoit gré de faire un tableau il avoit recours à son recueil. Il y choisissoit les figures qui lui convenaient le mieux pour le moment. [...]
[...] Dans un instant il s'approchera du bord de la scène pour haranguer le public, essayera de le divertir par quelques traits spirituels, pour l'inciter à revenir. Watteau a voulu évoquer le théâtre avec ses acteurs, ses danseurs, ses musiciens, et ses figurants. Il associe intimement musique, théâtre, danse, plein air, ainsi que le vin, l'amour, le réel, et l'imaginaire. On peut alors interpréter ses tableaux de multiples façons . La réussite de Watteau est de ne pas laisser le spectateur indifférent, il nous oblige à nous intéresser à son tableau et veut que nous tentions d'en déchiffrer le secret. [...]
[...] Conclusion Le XVIIIe siècle eut un poète, c'était un peintre dirent les frères Goncourt à propos de Watteau. Dans notre tableau, Watteau mêle réel (le sujet est une représentation théâtrale avec acteurs, danseurs, musiciens) et imaginaire (mythologie), il mélange les arts (musique, théâtre, opéra) et nous donne ainsi à voir la société parisienne du XVIIIe, qui se plait à rêver à un monde bucolique, où règne plaisir, amour, et liberté. Le secret de Watteau est ici : à partir d'éléments réels, il crée un monde à l'image de ses rêves, qui nous apparaît alors plus vivant et poétique que la réalité même ! [...]
[...] Mais, même si les deux tableaux ont une provenance commune et un format identique, ils ne constituent pas des pendants, car l'échelle des figures est différente, le premier a une conception étagée et l'autre frontale. On ignore pour qui et quand exactement ces deux tableaux furent peints (entre 1712 et 1720 c'est sûr), on sait en revanche qu'ils appartenaient à Henri de Rosnel en 1734 (un marchand-drapier parisien et collègue de Julienne), mais on ignore également leur sort entre 1734 et 1766, date de leur réapparition dans les collections de Frédéric II Le Grand, roi de Prusse, et grand amateur de fêtes galantes. [...]
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