Reflet d'une société, d'une époque, les arts ont toujours eu cette capacité de susciter émotions et sentiments auprès de leurs destinataires. La littérature et le cinéma, dans le traitement d'un sujet tel que l'évasion, n'échappent pas à cette règle. Qu'il s'agisse d'œuvres romancées ou plus authentiques, le sentiment ressenti est le plus souvent positif face à l'évadé. La distinction s'opère alors entre un sentiment simple de sympathie et des sentiments plus complexes que sont la compassion, la pitié.
De manière générale, que ce soit dans la littérature ou le cinéma, le récit romancé d'une évasion suscite chez le lecteur/spectateur un sentiment positif, clément vis-à-vis de ou des évadé(s).
Divers moyens vont être employés par l'auteur, le scénariste ou encore le réalisateur pour faire naître un sentiment de sympathie à l'égard des personnages évadés.
[...] Il finira par s'évader en tuant un des dirigeants de la prison. Le spectateur ressent l'injustice, il se prend totalement de pitié pour le détenu, il compatit au mal qu'il subit. L'évasion lui apparaît comme la seule solution, la seule échappatoire pour le héros et il va même jusqu'à excuser les moyens employés pour y parvenir (le meurtre, en l'occurrence, dans Midnight Express). Dans les œuvres biographiques, basées sur des faits réels, la compassion est aussi suscitée par une oppression, une détention jugée arbitraire, abusive, illégitime. [...]
[...] Le lecteur partage la révolte des protagonistes et considère leur évasion comme totalement justifiée et louable. Il apparaît donc que dans le cinéma et la littérature, l'évasion n'est pas ressentie comme une infraction nécessitant une réponse pénale. Pourtant aujourd'hui, l'évasion constitue un délit répréhensible dans le Code pénal. Les arts posent donc la question de l'utilité, de la légitimité d'une telle répression. [...]
[...] Cette compassion naît également dans les œuvres relatant des faits historiques, aujourd'hui condamnés. Le spectateur prend parti pour les prisonniers du camp de détention allemand pendant la 2nde Guerre Mondiale dans la Grande Evasion, ou pour Rudolph Vrba auteur de Je me suis évadé d'Auschwitz. Ces évasions, résistance à l'oppression nazie, ne soulèvent plus aujourd'hui la question de leur légitimité. Le lecteur compatit au sort des protagonistes et accepte naturellement leur évasion. Pour la plupart, ces œuvres traitent de l'époque contemporaine, donc le sentiment d'intolérable des conditions, des raisons de la détention nous apparait d'autant plus condamnable que ces comportements sont universellement décriés. [...]
[...] Dénonçant parfois les conditions inhumaines, dégradantes de détention ne faisant qu'accentuer le désir de liberté, d'évasion du condamné, les films ou livres provoquent cette empathie, cette pitié, compassion du spectateur face au calvaire vécu par l'évadé. Ainsi dans Papillon, roman autobiographique, adapté au cinéma par Schaffner, Henri Charrière condamné à perpétuité aux travaux forcés pour meurtre relate ses années de détention et ses diverses tentatives d'évasion du bagne de Cayenne. Cette œuvre livre la dureté des descriptions des conditions de vie des détenus. [...]
[...] La façon même de relater l'évasion peut permettre au lecteur de vibrer ou de sourire de l'évasion sans en condamner le principe. Stendhal, pour décrire l'évasion de Fabrice Del Dongo, utilise à la fois le burlesque (par une accumulation d'éléments invraisemblables) et la tension dramatique (il commence sa descente par la corde mais se blesse et manque tomber). Dans le Comte de Monte Cristo, Dumas fait naître cette angoisse, chez le lecteur, de voir le héros découvert avant la réussite de l'évasion (Edmond Dantès se substitue dans un linceul mortuaire, au corps devant être jeté à la mer, mais un geôlier découvre la supercherie et tente de prévenir les autres gardiens). [...]
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