Antonin Artaud, théoricien, dramaturge, poète, incompris, fou, immatériel, cette fameuse personnalité est plus connue pour avoir passé six à sept années en hôpital psychiatrique (entre 1939 et 1946) que pour son théâtre finalement. Certes, les étudiants d'arts de la scène le trouveront pour son Théâtre et son Double (1938), les lettrés iront se pencher sur L'Ombilic des Limbes ou Le Pèse Nerfs (1927) et les psychologues vers ses Écrits de Rodez (1946-49) mais à chaque fois, son état, sa condition psychologique refait surface. Celle-ci est inlassablement présente dans tout son travail, sa façon d'être, son esprit finalement est omniprésent, il contrôle tout et le plus souvent cet état incontrôlable prend le contrôle de ce qui n'est pas, de ce qui ne se voit pas, ce qu'Artaud nous dévoile et qui incroyablement ou malheureusement, nous est tant familier. La psychopathologie a tout de suite été employée pour ?guérir? la folie et la violence qu'Antonin Artaud exerçait sur autrui ainsi que sur lui-même vers la fin de sa carrière.
[...] Ma problématique qui va suivre va traiter du langage, du langage artaldien précisément qui rythme le travail de M. Artaud, ce langage est central et va structurer les différents points à aborder. Ainsi, comment le langage artaldien arrive-t-il à puiser sa force et à déplacer des montagnes ? Comment le corps arrive-t-il à se transformer et à dépasser son entendement ? Comment Artaud a-t-il réussi à révolutionner le théâtre en démontant ses propres frontières ?
[...] Artaud en 1938 avec son Théâtre et son Double tente de re-sacraliser le théâtre laissé à la dérive en lui insufflant une once de sublime. « Nous jouons notre vie dans le spectacle qui se déroule sur la scène ». Cette théorie se laisse doucement caresser par l'idée d'une utopie bienfaitrice, ce lieu qui est ailleurs, qui n'existe peut être même pas mais qui est idéal. La théorie artaldienne sur le double, qui commence déjà avec son exorcisme littéraire, son existence sur papier ou à travers autrui, permettent d'expliquer cette volonté d'aller ailleurs. Cet ailleurs n'est pas forcément très loin, nous pouvons retrouver la structure de cette longue quête que de nombreux philosophes, voyageurs ou artistes ont tenté d'effectuer pour trouver cette Utopie. À travers l'épidémie curative, nous pouvons supposer une connexion avec la grande apocalypse chrétienne censée nous toucher pour purifier le monde et bien d'autres connexions sont possibles à établir (...)
[...] C'est tout le problème de ma pensée qui est en jeu. Il ne s'agit pour moi de rien moins que de savoir si j'ai ou non le droit de continuer à penser, en vers ou en prose. N'étudiant pas la psychologie, j'ai préféré me référer à la thèse présentée et soutenue en 2011 par Atsushi Kumaki, L'Avatar du Moi, l'évolution théorique de la poétique d'Antonin Artaud, je me suis servi des exemples que l'auteur donne pour illustrer La Clinique d'Artaud, titre de sa première partie. [...]
[...] Artaud prend les rênes de ce qui nous est le plus connu maintenant, la théorie du théâtre à travers différents manifestes comme le Théâtre de la Cruauté dans les années 1930 pour le plus important. Ces dernières années sont rythmées par des voyages, au Mexique notamment, fuyant la culture occidentale à travers les affres du peyotl qu'il prendra rituellement dans la région de Tarahumaras. Il publie encore lorsqu'il rentre en France, mais il est interné en 1939 lorsque ses illusions et ses persécutions prennent le dessus. [...]
[...] Cette manière d'envisager la culture est un moyen raffiné de comprendre et de pouvoir enfin exercer la vie. Artaud, après avoir percé l'abcès problématique de la culture tente tant bien que mal de diagnostiquer, tout comme il l'a fait pour son cas, le problème culturel en jeu en traitant du Théâtre et de la Peste dans un deuxième chapitre. L'acteur est lié au pestiféré car le malade court en criant à la poursuite de ses images alors que l'acteur est en quête de sa sensibilité, ou serait-ce l'inverse ? [...]
[...] Malgré cet échec d'une tentative de vouloir donner une éducation nouvelle à l'homme, nous pouvons retenir la thèse importante d'Artaud. Celle-ci tend à lutter pour l'instauration d'un nouveau langage, conflictuel, furieux, révolté, douloureux, pour arriver à une exorcisation suprême, celle de la séparation de la matière et de l'esprit. Prôner ce langage originel et universel permet la réconciliation de l'âme et de l'esprit en une production infinie. Ainsi pour conclure, la théorie du langage, que j'ai tenté de développer présentement, est un pilier central de l'oeuvre d'Artaud, J'écris pour les analphabètes nous souligne ce dernier, le langage artaldien est là pour briser la vie la retrouver peut être pour s'y consacrer pleinement. [...]
[...] Le problème que nous pouvons donc soulever dans le moi d'Artaud, c'est pour citer Atsushi Kumaki que celui-ci ne se trouve pas dans ses expressions verbales, mais entre ses expressions et son intérieur. Il faut tenir compte de ce entre qui sera exprimé par lui-même dans le domaine théâtral. Ce problème dérive du manque d'intérieur pour ce fameux moi dû à une perte totale que l'on peut supposer à l'usage qu'Artaud a pu faire des drogues pour soigner son mal. [...]
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