Etude comparative: "Monogram" de Robert Rauschenberg et "La douche" de Daniel Spoerri

Résumé du document

Dès la fin des années 20 se développe un mouvement dénonçant le rationalisme du début du XIXe siècle, et mené à l'époque par André Breton : le Surréalisme. Il est à la fois un courant littéraire, pictural, photographique et plastique, qui touche des artistes du monde entier.
Un des principes chers aux Surréalistes sera celui de la rencontre insolite, d'objets, d'images, de formes ou de matières : les collages de Ernst, les « rayographes » de Man Ray, ou encore les rencontres oniriques d'objets disparates chez Dali en sont quelques exemples célèbres.
Le « Violon d'Ingres », de Man Ray, illustre parfaitement ce principe : le célèbre modèle Kiki de Montparnasse pose ici nue, de dos, la tête enturbannée légèrement tournée vers la gauche.
L'artiste, en mélangeant le corps de la femme à deux ouïes dessinées à l'encre de chine, trompe l'esprit du spectateur, et transforme celle-ci en instrument de musique : comme le dit la maxime populaire, le modèle est son « violon d'Ingres », sa passion.

Extraits

[...] Nous allons maintenant voir que c'est dans ce contexte artistique en pleine évolution que s'inscrivent les œuvres de Rauschenberg et de Spoerri. Partie II : Une même volonté de réintégrer le réel dans l'Art C 'est dans ce contexte artistique que s'inscrit Robert Rauschenberg quand il écrit, en 1945, je désire intégrer à ma toile n'importe quel objet de la vie L'artiste rejette le principe d'unicité de signification de l'œuvre d'art : comme Dali, il entend instaurer un doute sur ce que représente l'œuvre, et la multiplicité des sens que l'esprit peut lui donner Monogram ou la réintroduction du réel dans l'art Rauschenberg transfert ainsi l'objet sur la surface d'une peinture, affirmant ainsi que les images sont une sorte de matériau (L'originalité de l'avant-garde et autres mythes modernistes, 1993). [...]

[...] Bibliographie Sources littéraires Les Années 50 et 60 d'Anne Bony Collection Ed. Regards Topographie Anecdotée du Hasard D. Spoerri L'originalité de l'avant-garde et autres mythes modernistes In the Gap Between Art and Life», R. [...]

[...] Il traite par exemple le thème du repas, qui est pour lui le reflet parfait de cette tendance : d'un instant de convivialité, de partage et de plaisir, le repas devient une simple obligation à laquelle il faut se soumettre. Se nourrir n'est plus un acte noble, dans lequel les mets les plus fins doivent présider : c'est une nécessité physiologique, qui doit être accomplie de la manière la plus simple et la plus rapide. Il ouvre un restaurant à Düsseldorf, puis une Eat-Art Gallery où les clients ont l'immense privilège de goûter des mets préparés, comme de véritables œuvres, par les artistes de passage : des Sucres d'Orges de César, des pains d'épices par Richard Lindner. [...]

[...] Le Monogram de Rauschenberg n'est pas ainsi sans rappeler la Chèvre de Picasso, que le maître a créé quelques années plus tôt. Chez Picasso, l'inspiration semble prendre sa source dans la fascination qu'il avait envers toute vite animale. Comme si la proximité d'animaux le renvoyait à l'enfance, à une perception vierge et émerveillée de la beauté du monde ; on retrouve cette volonté commune aux deux artistes À l'inverse du néo-dadaïsme de ces deux artistes se développe parallèlement en France le nouveau Réalisme de Spoerri, permis par la profusion d'objets nouveaux qu'offre la société de consommation. [...]

[...] Partie III : La plastique au centre des deux œuvres 1. L'œuvre pénètre l'espace du spectateur L a chèvre de Monogram se démarque nettement de l'œuvre de Rauschenberg notamment parce qu'elle est l'une des plus connues, mais aussi une de celles qui est à l'origine d'un scandale retentissant (elle a notamment été refusée à deux reprises par le MoMA). L'œuvre représente une chèvre angora (les chèvres Angora étaient connues 2000 ans avant Jésus-Christ dans les provinces du Tibet ; c'est vers le 11e siècle qu'elles sont descendues dans la province d'Angora, maintenant Ankara en Turquie, et sont désormais célèbres pour produire la laine Mohair connue pour son extrême raffinement), posée sur un socle à roulette jonché de détritus, morceaux de papiers, magazines et œuvres d'art mélangés. [...]