Note au lecteur: les pages sont données dans l'édition Folio théâtre, établie par Jean Corvin. De copieuses didascalies plantent le décor et donnent au metteur en scène nombre d'indications sur les costumes des personnages et sur leur apparence. Le second tableau exhibe de façon plus explicite la sexualité, telle qu'on s'attend à la voir se satisfaire dans une maison spécialisée. Le troisième tableau est une autre variation sur le thème majeur de l'image. C'est dans le quatrième tableau que la présence d'un « texte » qui n'est pas le texte dit est la plus envahissante : l'essentiel du tableau est en effet constitué d'indications scéniques qui relèvent du comique de la farce et qui en font une pantomime caricaturale. Particulièrement long, le cinquième tableau introduit le spectateur dans la « chambre d'Irma ». Après le tableau V, tableau pivot, on observe un changement d'espace dramatique. Au cinquième tableau, Irma détaille devant Carmen les splendeurs du « Grand Balcon », elle vante particulièrement le « salon Mausolée ». Puisqu'il faut faire croire au peuple que le pouvoir n'est pas mort, mais qu'il se perpétue par-delà les aléas de l'Histoire, les « Figures » entreprennent de s'exhiber : voilà pourquoi Mme Irma et ses clients « se montrent » au balcon, dans une scène quasi-muette (huitième tableau). L'ostentation du pouvoir, au milieu des dorures et des fastes d'un défilé solennel, a maté la révolution. La « mascarade », selon le mot du Général, c'est-à-dire le monde de l'apparence, a renversé le cours des choses (neuvième tableau).
[...] Mais, au Grand Balcon la mort elle-même n'est que faux-semblant, suprême chimère. Sa victoire a pour théâtre la maison d'illusions et le vrai cadavre d'Arthur gît sur une sorte de faux tombeau de faux marbre noir L'image du pouvoir Les clients de Mme Irma n'exercent pas le véritable pouvoir, ils se contentent de le mimer, sous ses formes diverses, ecclésiastique, judiciaire ou militaire. Venu de l'extérieur, du Palais-Royal, l'Envoyé de la Cour va peut-être définir le vrai pouvoir, tel qu'il s'incarne, au sommet de l'État, en la personne de la Reine. [...]
[...] Les personnages sont mal à l'aise, ils s'installent avec une grande timidité incapables de faire coïncider parfaitement le paraître et l'être. Enfin, les costumes de cérémonie, insignes vénérables, sont déchirés et poussiéreux Le rite solennel, la belle image d'Épinal ne tiennent pas debout, ne sont que des faux-semblants. Genet renvoie ainsi dos-à-dos l'exercice ostensible du pouvoir et l'activisme révolutionnaire. Tout n'est qu'illusion, que comédie dérisoire. NEUVIÈME TABLEAU (p.116 à 138) La tentation de la réalité L'ostentation du pouvoir, au milieu des dorures et des fastes d'un défilé solennel, a maté la révolution. [...]
[...] Si la mise en scène fait jouer au public le rôle des foules subjuguées, asservies, puisque le rebord du balcon se trouve tout au bord de la rampe c'est pour montrer qu'il en est ainsi de tout temps et en tout pays. Le Mendiant incarne la servilité populaire : le vivat qu'il pousse réinstalle le pouvoir dans son assiette. La restauration de la royauté signe la défaite de la révolution. Telle est la signification de l'assassinat de Chantal, même la révérence de la reine laisse croire pendant un court instant à la victoire des peuples. La dérision du pouvoir Certains éléments tournent en même temps en dérision l'ostentation de la puissance. [...]
[...] L'aspect déluré, les commentaires irrévérencieux des jeunes photographes, le mal qu'ils ont à faire à la pose à leurs modèles maladroits et les jeux de scène grotesque qui s'ensuivent, tout cela souligne le décalage entre l'être et le paraître. Les clients du bordel doivent être métamorphosés en Figures hiératiques et exemplaires. C'est sous l'image d'un homme pieux que l'on doit noyer le monde et peu importe que l'hostie tenue au-dessus de la langue de l'Évêque ne soit que le monocle du Général. La figure chevaline et morose du Juge dira la sévérité de la justice et inspirera aux foules la crainte nécessaire. [...]
[...] Lorsque Irma réclame à l'Évêque le prix convenu (deux mille francs) et lui reproche d'avoir dépassé de vingt minutes le temps imparti, le spectateur ou le lecteur comprend que la scène se passe dans la chambre d'un bordel et que l'Évêque est un client dont les vêtements civils reposent sur un fauteuil. Le dramaturge refuse tout réalisme et toute vulgarité : Je n'ai pas dit qu'elle se torche écrit- il à propos du geste de la fille. Le jeu de l'apparence et de la réalité Les clients du Grand Balcon viennent y chercher l'assouvissement de leurs fantasmes en copiant la réalité. [...]
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