Une cathédrale gothique est le résultat d'un travail collectif. Elle constitue une œuvre anonyme, ce qui est plutôt rare dans l'art occidental. Or, en s'effaçant, les auteurs des cathédrales laissent un grand pouvoir de recréation aux « lecteurs » futurs de ces œuvres. Le fait est qu'on perçoit la cathédrale très différemment selon les époques. Au XIXe siècle, en particulier, les philosophes et les artistes définissent un symbolisme de la cathédrale gothique qui caractérise plus leur époque que les XIIe et XIIIe siècles gothiques.
En premier lieu, on constate un regain d'intérêt sans précédent pour une telle architecture. Des auteurs comme Goethe, Hegel et Hugo s'efforcent de redéfinir le terme de gothique, encore lourdement chargé de connotations négatives. L'époque romantique est celle d'une redécouverte du Moyen Âge, d'une prise de conscience du patrimoine français et d'un renouveau catholique. Dans un tel contexte, des enjeux très différents sont liés à la cathédrale gothique. Chaque redéfinition du gothique a des conséquences esthétiques que nous étudierons à travers quatre auteurs.
Goethe établit une véritable révolution esthétique en portant un regard nouveau sur la cathédrale. Hegel remarque que la cathédrale gothique symbolise et réalise la découverte par l'esprit de sa propre infinité, ce qui lui offre une place importante dans le développement de l'art romantique (au sens hégélien). La place centrale de la cathédrale dans l'esthétique romantique (au sens traditionnel) apparaît bien sûr avec Hugo. Quant à Viollet-le-Duc, il restaure avec une grande liberté les vieilles cathédrales ; parallèlement à ses chantiers, il publie de gros ouvrages théoriques où apparaît explicitement sa conception rationnelle et dynamique de la cathédrale gothique.
Ces auteurs recoupent la fin du XVIIIe siècle et une bonne partie du XIXe. Par ailleurs, ils viennent des deux pays les plus concernés par l'architecture gothique : l'Allemagne et la France. À travers eux, nous verrons encore comment une partie du symbolisme de la cathédrale voyage dans le temps et dans l'espace.
[...] Notre-Dame de Paris (écrit en 1830) enracine donc sa narration dans l'évocation d'un site sublime comme le dit Ségolène Le Men (La Cathédrale illustrée, de Hugo à Monet). Qu'est-ce qu'on entend par site sublime ? Il est clair que le sublime hugolien n'est plus le même que le sublime hégélien. Il constitue une combinaison de beauté et de grotesque et s'oppose à la perfection classique. Des figures comme Quasimodo ou la cathédrale peuvent être considérées comme des incarnations du sublime. Quant à la notion de site, elle est nouvelle. [...]
[...] En inscrivant la cathédrale dans le paysage et en la rapprochant d'une œuvre de la nature, Goethe suggère un parallélisme entre l'artiste créateur Erwin von Steinbach et le Dieu créateur. Tous deux ont pu donner une unité harmonieuse à une diversité infinie. La cathédrale de Strasbourg, en grès, n'est pas seulement divisible en parties architecturales et en ornements, mais encore en grains de sable. Et pourtant, elle constitue une seule œuvre cohérente et toute dirigée vers Dieu. Cet élan spirituel d'un art analogue à la nature suggère une fusion entre l'art et le sacré. [...]
[...] La place centrale de la cathédrale dans l'esthétique romantique (au sens traditionnel) apparaît bien sûr avec Hugo. Quant à Viollet-le-Duc, il restaure avec une grande liberté les vieilles cathédrales ; parallèlement à ses chantiers, il publie de gros ouvrages théoriques où apparaît explicitement sa conception rationnelle et dynamique de la cathédrale gothique. Ces auteurs recoupent la fin du XVIIIe siècle et une bonne partie du XIXe. Par ailleurs, ils viennent des deux pays les plus concernés par l'architecture gothique : l'Allemagne et la France. [...]
[...] Il y a bien un imaginaire de la cathédrale gothique au XIXe siècle, partagé par les artistes et les intellectuels, quelles que soient les nuances qu'ils apportent à chaque élément. Parmi les constantes : la cathédrale est un symbole national, qui sert aussi bien les intérêts de l'Allemagne que ceux de la France. Elle occupe de même une place de choix dans l'esthétique romantique, pour l'intériorité et la spiritualité qu'elle valorise, pour son aspect pittoresque dans le paysage, pour le mystère qui l'entoure. [...]
[...] les décorations des chapiteaux, les fleurs de certaines clefs de voûte, etc.). Il comprend ces motifs puisés dans la nature comme l'expression d'une forme de liberté caractéristique de l'esprit romantique. Qu'est-ce que cette liberté romantique ? L'art romantique marque un retour de l'esprit sur lui-même. À l'époque classique, l'esprit se projetait dans la nature qu'il idéalisait dans les représentations artistiques. Quand l'esprit comprend que sa véritable harmonie n'est possible que dans l'intimité de la subjectivité, il se détache du monde extérieur et se replie sur luimême. [...]
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