« Je ne fais ni de l'Art pour l'Art, ni de l'Art contre l'Art. Je suis pour l'Art qui n'a rien à voir avec l'Art. L'Art a tout à voir avec la Vie, mais il n'a rien à voir avec l'Art. » Ainsi Robert Rauschenberg tentait de faire comprendre l'importance que son travail a accordé à l'érection d'une association entre l'Art et la Vie. Le XXe est le siècle de toutes les tentatives d'introduction du Réel au sein de compositions artistiques. Là où le quotidien rejoint l'esthétique, Jasper Johns et Robert Rauschenberg vont devenir les acteurs essentiels d'une révolte d'un objet qui tend à s'imposer face à la tradition picturale, non dans un but d'hégémonie mais d'interdépendance créant ainsi le lien qui unit le Quotidien au Pinceau. Par la précocité de leur talent, ils forment la génération intermédiaire entre l'expressionnisme abstrait le Pop Art dont ils sont les pères directs. En quoi est-il possible d'affirmer que Rauschenberg et Johns ont bouleversé la pensée artistique dominante en portant à son paroxysme l'idée de Réel dans l'Art ? Influencés par des travaux antérieurs de courants d'avant-garde européens et américains, les deux artistes réinvestissent et développent la notion de pénétration du quotidien dans leurs œuvres, se plaçant en opposition à leurs contemporains dans la création d'un pont entre Art et Vie.
[...] Ces quatre qualités fondamentales se retrouvent pour Johns dans les nombres. Ses œuvres vont marquer la première apparition dans la peinture américaine de l'alliance de la qualité formelle et abstraite avec une iconographie instantanément identifiable, formule qu'on retrouvera plus tard dans le Pop Art. Figure 5 est une peinture à l'encaustique sur toile et papier journal collé qui date de 1960. C'est la seule œuvre de Johns qui se trouve dans les collections françaises, en l'occurrence au Centre Georges Pompidou. [...]
[...] Rauschenberg rentre alors dans un art en total paradoxe avec le monde dans lequel il s'exprime. C'est en effet à l'intérieur d'une société de plus en plus consommatrice et intéressée davantage par les objets flambants neufs qu'il va intégrer ces choses mortes, jetées, cassées et délabrées. De la même façon, Johns veut revenir lui aussi aux significations claires. Pour ce faire, il va chercher à reproduire des objets sur la toile. Il choisira des objets plats, des motifs à deux dimensions, sans perspective ni profondeur, liés donc à sa volonté de lisibilité. [...]
[...] C'est ce que l'on peut observer en comparant l'Untitled de Rauschenberg et celui de De Kooning, ultérieur. La technique picturale fait écho à l'expressionnisme abstrait de l'Ecole de New York par ses tâches et ses giclées. Rauschenberg offre à voir une composition très austère malgré la matière composite et laisse transparaître l'influence de Mondrian. Beaucoup des tableaux de Mondrian s'organisent en rectangles et carrés, rappelant la composition en module qu'adopte généralement Rauschenberg. C'est ce que l'on peut particulièrement souligner plusieurs de ses œuvres comme Interview et Hymnal de 1955. [...]
[...] Quand un an plus tôt, en 1961, André Parinaud, dans un entretien, lui demandait de qualifier ce qu'il faisait, la réponse de Rauschenberg fut celle-ci : Combine painting, c'est-à-dire œuvres combinées, combinaisons. Je veux ainsi éviter les catégories. Si j'avais appelé peintures ce que je fais, on m'aurait dit que c'était des sculptures et si j'avais dit que c'était des sculptures, on m'aurait dit qu'il s'agissait de bas-reliefs ou de peintures. Les Combines sont des œuvres hybrides qui associent la peinture au collage et à l'assemblage d'objets les plus divers prélevés du quotidien. [...]
[...] La composition est équilibrée verticalement par deux lignes de force, par les deux arrondis se répondant sur la diagonale. De plus, la composition est échelonnée horizontalement par quatre lignes, cela ajouté au fait que le nombre occupe quasiment toute la surface de la toile sans laisser vraiment de place à l'arrière plan. On peut dire que Johns a cherché à dégager le nombre de son support pour qu'il soit bien apparent. Johns, dans une correspondance avec l'auteur Herzog, le 13 mars 2006, pense que dans une société organisée par la mécanisation (par exemple la production en série), l'unité est dévaluée au profit de l'ensemble. [...]
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