Assis sur une chaise pliante en bois, un homme d'âge bien mûr semble regarder dans le vide, au loin. Il est à l'extérieur, devant le mur d'un bâtiment, la chaise est posée sur l'herbe. Ses pensées l'absorbent tellement qu'on croirait qu'il en a oublié la cigarette qui se consume dans sa main droite. A sa droite justement, il y a la route, ou les routes, séparées par un terre-plein agrémenté de pelouse ou d'herbe, comme le près qui suit au loin, ainsi que l'endroit où l'homme a placé sa chaise.
Derrière l'homme assis, le mur de la bâtisse montre plusieurs fenêtres : de la plus à droite sort le buste d'une femme. On dirait qu'elle regarde l'homme, et elle a la bouche ouverte, comme si elle lui parlait. Contrairement à l'homme, elle n'a pas du tout l'air d'avoir la tête dans le vague. On pourrait penser en regardant sa mise qu'elle a un tablier noué autour de la taille.
[...] En tous les cas, l'homme n'a pas l'air de l'écouter (et c'est peut-être ça qui énerve sa femme). Perdu dans ses pensées, c'est vers l'extérieur qu'il regarde. Cet extérieur, Hopper le fait entrer dans la bâtisse par l'une des fenêtres, celle que nous avons décrite plus haut à travers laquelle on voit le paysage continuer l'horion. Comme si implicitement le peintre nous révélait les pensées de l'homme : à voir cette nature si immense autour de lui, il manque peut-être d'espace dans la vie qu'il a ; c'est comme s'il voulait que son intérieur soit à l'image de l'extérieur qu'il contemple et qu'à la fois il évite de regarder en face, en gardant ce regard vide. [...]
[...] On dirait d'ailleurs que tout ce qui retient cet homme est derrière lui dans ce tableau : sa femme, son travail à la station, ses affaires, la vie qu'il a en somme. On voit ce qu'il y a derrière lui, mais pas devant lui. Comme si Hopper voulait nous laisser imaginer ce qui peut rendre son personnage si pensif. Ou bien est-ce justement pour limiter nos interrogations qu'il a placé cette femme sortant de la fenêtre : elle semble dire à l'homme l'une de ces phrases classiques comme le dîner est servi, ça fait trois fois que je t'appelle, ne viens pas te plaindre après si c'est froid ! [...]
[...] La route incarnerait le lien inexistant, vide, entre les deux personnages : ils n'ont aucune connexion, sont même séparés par le mur. Ils sont deux, mais ont une connexion entre eux aussi morte que celle des deux bouteilles sur le bord de la fenêtre, que les deux pompes a essences fixées sur la même pierre, mais ne se touchant pas, séparés comme les deux routes, allant chacun dans un sens différent, alors qu'ils pourraient aller chacun sur une voie de la même route et partir dans le même sens. [...]
[...] Edward Hopper - Route à quatre voies - 1956, huile sur toile x 105,4 cm Ensoleillé calme sérénité vide horizontalité crépuscule coin perdu contraste ailleurs rêvasser extérieur intérieur attente ennui anxiété lassitude-angoisse solitude isolement retrait pause horizon clôt ombre immobilité vieillesse Assis sur une chaise pliante en bois, un homme d'âge bien mûr semble regarder dans le vide, au loin. Il est à l'extérieur, devant le mur d'un bâtiment, la chaise est posée sur l'herbe. Ses pensées l'absorbent tellement qu'on croirait qu'il en a oublié la cigarette qui se consume dans sa main droite. [...]
[...] C'est peut-être cela qu'il regarde : le point le plus éloigné où il la distingue encore. La route est à la fois un moyen d'aller d'un endroit à un autre, mais c'est aussi un lien entre les endroits qu'elle relie. Ici elle est à côté des personnages, elle est vide, il n'y a pas de passage, alors que l'idée de passage est primordiale lorsqu'on pense à une route ; surtout qu'il s'agit d'une station essence, on aurait pu voir du passage, des voitures arrêtées, des gens, même en fin de journée, voire surtout en fin de journée puisque les gens finissent de travailler, sortent faire peut-être les dernières courses indispensables avant d'en manquer demain, et l'essence en fait partie. [...]
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