Les fondements et la légitimité d'une bibliothèque se mesurent à deux facteurs : sa collection d'une part, et son public d'autre part. Les relations entre ces trois entités peuvent s'avérer très complexes, plaçant souvent les bibliothécaires dans des situations de dilemme. En effet, la bibliothèque doit sans cesse assumer un double rôle face à son public : celui de service public au sens premier, qui l'incite à tout faire pour satisfaire ses lecteurs - puisqu'elle est à leur service-, et celui d'acteur culturel à part entière, qui affiche une politique d'acquisition qui lui est propre.
Face à la diversité documentaire, à celle des publics, et aux nécessités budgétaires, il est de toute façon nécessaire de faire des choix pour enrichir une collection. Mais au nom de quoi effectuer ces choix ? Au nom d'un « public-roi » qu'il faut satisfaire, ou au nom de la subjectivité d'une bibliothèque qui se veut passeur de culture, garantie de qualité, voie vers la découverte ?
Face à ces questions, nous nous proposons de réfléchir sur la nécessité constante du travail interprétatif en bibliothèque. Interprétation des lecteurs, vis-à-vis de la bibliothèque, puisqu'ils attendent souvent d'elle une certaine efficacité dans leur recherche documentaire, mais aussi des conseils, voire une ouverture vers des domaines qui leur sont encore inconnus. Interprétation des bibliothécaires, également, qui doivent pouvoir fournir à leurs publics actuels ou potentiels des propositions adéquates, quelle que soit la demande - ou l'absence de demande.
[...] Si l'objectif de découverte est louable et indispensable, la bibliothèque ne doit en aucun cas se couper des attentes du public. Peut-on alors prendre le risque de le décourager par une trop grande liberté, ou de le choquer par des politiques trop singulières ? Si la bibliothèque affiche trop une personnalité particulière, le lecteur risque de déserter un établissement qui ne correspond pas à ses objectifs et qui lui impose ses choix. Il s'agit donc de savoir écouter le lecteur, quel que soit son objectif en entrant, qu'il cherche quelque chose de précis ou soit tourné vers la découverte, et ne pas forcément refuser en bloc un ouvrage qu'on jugera indigne d'entrer dans le fonds. [...]
[...] Il pourra être intéressant, dans un avenir relativement proche, d'observer ce que ces bibliothèques d'un genre nouveau peuvent apporter de nouveau et de différent notre réflexion. Bibliographie BERTRAND, Anne-Marie, Bibliothécaires face aux publics, Paris, BPI du Centre Georges Pompidou ISER, Wolfgang, L'Acte de lecture : théorie de l'effet esthétique, Bruxelles, Pierre Mardaga Editions PARMENTIER, Patrick, Les Rayons de la bibliothèque ou comment faire son miel BBF t p 46-51. PIQUET Michel, Court traité de signalétique à l'usage des bibliothèques publiques, Editions du cercle de la librairie POISSENOT, Claude, RANJARD, Sophie, Usages des bibliothèques : Approche sociologique et méthodique d'enquête, Villeurbanne, Presses de l'enssib RORTY, Richard, Contingence, ironie et solidarité, Paris, A. [...]
[...] Mais le facteur humain est essentiel, surtout dans une bibliothèque municipale relativement peu importante, où les habitués ont souvent tissé un lien de confiance avec le personnel, et ont l'habitude de lui demander conseil. Cela implique, pour le bibliothécaire, non seulement d'être particulièrement bien informé sur les différentes publications dans divers domaines, mais aussi de bien connaître ses lecteurs, ou au moins, dans une bibliothèque importante, de se renseigner de manière pertinente sur leurs attentes et leurs goûts avant de leur proposer quelque chose. [...]
[...] Un autre facteur de satisfaction du public est la répartition des différents espaces. Dans une bibliothèque municipale ouverte à toutes sortes de public (du moins dans l'idéal), il est important, par exemple, d'aménager un espace jeunesse non seulement confortable et convivial, mais aussi facilement accessible aux éventuelles poussettes. De même, des personnes âgées ne seront pas forcément attirées par un espace trop vaste et impersonnel. En outre, l'étude d'Anne-Marie Bertrand[4] montre que les espaces proches de l'entrée seront davantage visités que ceux situés à l'autre bout d'une grande pièce, un peu comme dans une librairie. [...]
[...] Or, là aussi, les difficultés ne manquent pas, car la plupart du temps, les bibliothécaires indiquent que cette signalétique ne fonctionne pas très bien[7] : les lecteurs sont souvent perdus, et tout le monde n'est pas forcément informé des subtilités du système de cotation de la bibliothèque. Cette désorientation est peut-être due au fait qu'élaborer une signalétique suppose d'avoir une préconception du type de public visé. En effet, comme l'indique Patrick Parmentier[8], Chaque groupe socio-culturel a des critères de classement qui lui sont propres. Choisir un certain type de signalétique reviendra alors à privilégier un certain type de public, et donc à égarer, d'une certaine manière, les autres. [...]
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