Jeff KOONS au château de Versailles, Jan FABRE et Pierre BOULEZ au musée du Louvre (...), anachronisme inadmissible ou alliance réussie entre traditions et art contemporain ? (concours ISCP 2008)

Résumé du document

Des musées d'art signés par de grands architectes contemporains tels que Norman Foster et Jean Nouvel, des concerts classiques tels que L'Oiseau de feu, dirigés par des compositeurs contemporains comme Pierre Boulez sous pyramide, un homard géant de Jeff Koons dans les appartements royaux de Versailles... L'art contemporain semble aujourd'hui avoir envahi les grands classiques du patrimoine français, suscitant alors des réactions variées. Prenez, par exemple, Clara-Clara, de Richard Serra, actuellement exposée à l'entrée occidentale du jardin des Tuileries : certains s'en offusquent, la majestueuse perspective de Le Nôtre est entachée ; les visiteurs de Monumenta s'en réjouissent, elle a toute sa place in situ ; d'autres n'ont pas compris qu'il s'agissait d'une oeuvre ; les plus véhéments lui infligent machinalement toutes sortes de misères, moins par méchanceté que par mimétisme collectif. Cette confrontation entre « l'ancien » et le « moderne » est millénaire et, bien que l'histoire de l'art s'en soit souvent nourrie - le fauvisme n'est-il pas né d'un rassemblement incongru d'oeuvres gênantes ? - continue de provoquer un choc aujourd'hui. Anachronisme inadmissible selon certains, alliance réussie pour d'autres, la tendance est à l'essor et à la pérennisation des pratiques.

Afin de mieux comprendre le débat et ses enjeux quant à la redéfinition des rôles respectifs des différentes institutions culturelles, nous verrons que l'art n'est pas figé et qu'il se nourrit justement de toutes les confrontations, puis que cette pratique, qui correspond souvent à des manifestations temporaires, se transforme de plus en plus en véritable politique culturelle et tend à réformer le rôle et l'image de tous les domaines patrimoniaux, des monuments et des musées (...)

Extraits

[...] 1.1 Une aberration linguistique : l'art traditionnel L'un des problèmes majeurs soulevés par ce débat est de considérer l'art français de telle ou telle période, de tel ou tel style comme le véritable art français Qu'est-ce que l'art traditionnel français ? L'art de la Renaissance ? Le Grand Siècle ? L'époque des Lumières ? La Gaule romaine ? L'art roman ? Opposer la tradition et l'art contemporain est d'abord un non-sens, non par la thèse défendue mais par le vocabulaire employé. [...]

[...] Si les réactions sont parfois négatives, on peut les comprendre : ce chamboulement déroute les citoyens. Mais cela semble être un passage obligé pour une démocratisation culturelle accrue et un ancrage dans le siècle de l'exception culturelle française. Conclusion Ainsi, pas d'anachronisme inadmissible ; pas d'alliance entre tradition supposée et l'art contemporain, même si la réalité peut parfois y ressembler, il faudrait plutôt parler d'une profonde transformation, par le biais effectif de l'introduction de l'art contemporain dans le site, le musée, le monument, de nos institutions issues de la Révolution. [...]

[...] Les grands établissements publics ont aussi signé des conventions d'objectifs qui les encouragent à confronter l'art contemporain à leurs propres collections. Ainsi le musée du Louvre fait-il preuve d'une politique volontariste en matière d'incitation à la création contemporaine : édition de bandes dessinées, invitation de Pierre Boulez et d'Anselm Kiefer, co-production du film Visages, accueil de la FIAC aux Tuileries et dans la Cour Carrée 3.3 Un redéfinition des institutions Par extension, si les musées se mettent à inciter la production culturelle, les monuments à inviter des artistes, comme pourrait le faire un centre d'art contemporain, on peut imaginer une nouvelle donne, une nouvelle répartition des rôles, une redéfinition des institutions. [...]

[...] En effet, tous les publics ne sont pas opposés à l'introduction de l'art contemporain dans les monuments et dans les musées. Il s'agit plutôt du public qui se faisait une certaine idée de ce patrimoine et de ces institutions, une haute idée. Comme les musées ont voulu combattre cette image snob et élitiste et ont choisi la voie de la démocratisation et de l'ouverture, ils ont saisi l'opportunité d'intégrer l'art contemporain, et par la même occasion l'époque contemporaine toute entière. [...]

[...] anachronisme inadmissible ou alliance réussie entre traditions et art contemporain ? Introduction Des musées d'art signés par de grands architectes contemporains tels que Norman Foster et Jean Nouvel, des concerts classiques tels que L'Oiseau de feu, dirigés par des compositeurs contemporains comme Pierre Boulez sous pyramide, un homard géant de Jeff Koons dans les appartements royaux de Versailles L'art contemporain semble aujourd'hui avoir envahi les grands classiques du patrimoine français, suscitant alors des réactions variées. Prenez, par exemple, Clara-Clara, de Richard Serra, actuellement exposée à l'entrée occidentale du jardin des Tuileries : certains s'en offusquent, la majestueuse perspective de Le Nôtre est entachée ; les visiteurs de Monumenta s'en réjouissent, elle a toute sa place in situ ; d'autres n'ont pas compris qu'il s'agissait d'une œuvre ; les plus véhéments lui infligent machinalement toutes sortes de misères, moins par méchanceté que par mimétisme collectif. [...]