« Les sources servent à enrichir le nombre de dieux et à fonder les villes » (Pline, Histoire Naturelle). Si pour cet auteur du Ier siècle, le lien entre l'eau et les dieux semble évident, il ne l'est pas forcément pour l'homme contemporain du XXIe siècle.
Face à ce patrimoine matériel par ses réalisations (temples, statues) et immatériel par ce que les artefacts révèlent (croyances, folklore populaire...) de la complexité de la pensée religieuse, l'archéologue dispose de nombreux documents : les vestiges, les textes, l'iconographie et les études ethnologiques, qui sont d'un secours précieux. Le Paléolithique fait figure de parent pauvre en terme d'informations mais les pratiques, très codifiées et déjà complexes au Néolithique suggèrent une origine plus ancienne, ce qui nous permet d'aborder la sacralité de l'eau de la Préhistoire à nos jours.
Afin de mieux percevoir comment l'eau, denrée domestique utilisée pour les tâches quotidiennes, l'eau source d'énergie dans les pratiques artisanales a aussi été perçue comme objet du sacré et instrument de sacralisation à travers les siècles, nous l'aborderons successivement sous trois aspects fondamentaux : l'eau à l'origine de la vie, l'eau vecteur d'une nouvelle vie et enfin l'eau bienfaitrice des vivants et des morts (...)
[...] Ceci transparaît dans son pouvoir cathartique mais aussi dans sa capacité à tuer pour régénérer. Les mythes diluviens bien connus de l'épopée de Gilgamesh, du déluge, de l'Atlantide citée par Platon dans le Timée, de Jonas et de Léviathan, l'Odyssée d'Ulysse ou le voyage de Jason ont pour point commun de détruire un monde, un personnage, un statut pour en créer un autre. Le rite du mariage romain, dans lequel le colloque sur l'eau et le feu tenu à l'ENS il y a quelques années a montré l'importance du franchissement du seuil et des rites d'accueil, met en œuvre l'aspersion comme signe de la nouvelle destinée de la jeune femme, qui appartient désormais à une nouvelle famille. [...]
[...] Lourdes accueille chaque année des milliers de pèlerins. Déjà, les mythes relatent des miracles, ne serait-ce que la transformation du Pactole en fleuve d'or. Avant l'invention des Limbes, les bébés morts-nés ou morts avant l baptême étaient parfois ressuscités par les sources et les fontaines dans lesquelles on les avait plongés, le temps d'un baptême. Il ne faut pas oublier que l'eau est enfin souvent le réceptacle des ex- voto propitiatoires ou gratulatoires, des armes des guerriers, des trésors cachés, leurs propriétaires espérant toujours une issue heureuse, sans le monde des vivants comme dans le monde des morts. [...]
[...] Ceci révèle l'un des premiers aspects : l'eau purifie, en particulier avant la rencontre avec la divinité. C'est ainsi qu'Alain Dandrau et René Treuil ont interprété les rigoles du mégaron de Mycènes, les rhyta conservés au musée national d'Athènes, destinés aux ablutions, ainsi que la salle lustrale du quartier Mu de Malia, en Crète. Dans le culte de Mithra, l'eau purifie également les initiés avant le sacrifice. Dans les grands sanctuaires grecs, les perirrhanteria ont la même fonction que les bénitiers chrétiens : purifier avant le culte. [...]
[...] A la fois sources de vie, on l'a vu mais aussi paradoxalement source de tous les maux en témoignent la forte mortalité infantile jusqu'au XIXe siècle - les politiques hygiénistes et les légendes qui ont survécu- comme celle de l'évêque saint Marcel parti en croisade contre les monstres des marais situés à l'extérieur de la ville - les zones humides amphibies ont une image ambiguë, entre terre et mer, entre le Bien et le Mal. Pier Luigi dall'Aglia a bien montré, lors du récent colloque tenu à Clermont-Ferrand au sujet des zones humides, leur lien avec l'hagiographie et en particulier celle de saint Zénon. Dompter les eaux, c'est gagner le combat contre les monstres, le Mal, la maladie. C'est ainsi que bien souvent, l'eau a un statut d'intermédiaire. [...]
[...] Dissertation d'archéologie, concours externe des conservateurs du patrimoine 2009 L'eau, source de vie, source de sacré Introduction Les sources servent à enrichir le nombre de dieux et à fonder les villes (Pline, Histoire Naturelle). Si pour cet auteur du Ier siècle, le lien entre l'eau et les dieux semble évident, il ne l'est pas forcément pour l'homme contemporain du XXIe siècle. Face à ce patrimoine matériel par ses réalisations (temples, statues) et immatériel par ce que les artefacts révèlent (croyances, folklore populaire ) de la complexité de la pensée religieuse, l'archéologue dispose de nombreux documents : les vestiges, les textes, l'iconographie et les études ethnologiques, qui sont d'un secours précieux. [...]
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