Le « GOYA » de la Première Guerre Mondiale : c'est souvent ainsi qu'est considéré le peintre allemand Otto DIX. Les eaux-fortes de La guerre (Der Krieg) évoquent en effet les Désastres de la guerre qu'inspirèrent à GOYA l'invasion de l'Espagne par les troupes napoléoniennes et les méfaits commis par celles-ci. Au-delà de cette comparaison flatteuse, Otto DIX fit bien plus que GOYA car il fut non pas un simple « rapporteur », mais au contraire un acteur des évènements de la Première Guerre Mondiale.
Otto DIX naît en 1891 à Dresde et il a donc 23 ans lorsque éclate le conflit. Très tôt, Otto DIX s'intéresse à la peinture et s'inscrit à l'école des Arts Décoratifs de Dresde. En cette période d'effervescence intellectuelle, le jeune homme prend vite position par rapport aux différents courants –impressionnisme, symbolisme ou cubisme- qui agitent le monde artistique. Les mondes germaniques artistique justement, et intellectuel également, sont parcourus par des forces nationalistes dans le cadre d'une course à l'armement dans laquelle l'Allemagne tient toute sa place. Le futurisme notamment, aux visions plutôt extrémistes, interpelle le peintre. La littérature allemande est également marquée par un patriotisme et un militarisme qui correspondent, de manière grossière, aux aspirations germaniques. En effet, sans méconnaître toutefois les courants pacifistes minoritaires et une peur de la guerre bien compréhensible, la population, et spécialement la jeune génération, attend la guerre.
[...] La représentation de la guerre pendant la guerre par DIX est complexe. D'une part, il ne peut réprimer, du moins au début des combats, son attirance pour la guerre, qui est source d'inspiration, car elle révèle le plus profond des âmes humaines. En guise de justification, DIX explique : Il faut dire oui aux manifestations humaines [ ] Cela ne veut pas dire oui à la guerre mais au destin qui vous rejoint [ ] Les situations anormales font ressortir la dépravation, la bestialité des êtres humains Ce sentiment vis-à-vis de la guerre, qui semble plutôt positif, est nuancé par ses peintures décrivent un quotidien noir, où la souffrance et le rejet de conditions horribles semblent prévaloir par rapport à une éventuelle acceptation des manifestations humaines En effet, alors que pleuvent les bombes, DIX poursuit l'exercice de son art, il peint des gouaches et dessine beaucoup, des tranchées, des ruines, des moignons de branches (ou de bras). [...]
[...] Le mouvement futuriste italien en est l'exemple même. Connu en Allemagne grâce au courant expressionniste qui publie en 1912 le Manifeste futuriste, ce courant tend vers une guerre qui ne semble qu'avoir des vertus : nous voulons glorifier la guerre, seule hygiène du monde, le militarisme Le futurisme exalte également le chaos, l'affranchissement par rapport au carcan social (c'est-à-dire un détachement des valeurs et de l'ennui bourgeois) et reprend dans ses œuvres une esthétique de la virilité, qui ne peut qu'être associée avec la violence et le combat. [...]
[...] Toutefois, en 1923-1924, les cinquante eaux-fortes (selon une technique de dessin) de La Guerre sont publiées. Il est à noter qu'à partir de ce moment-là, DIX change sa manière de peindre : le dessin, afin de représenter la violence et le combat de manière crue mais néanmoins honnête, devient plus réaliste. Plus tard, en 1930, DIX réalise son œuvre majeure, le triptyque La guerre, où le combat est suivi à travers le regard du soldat, établissant un monde de violence et de destruction. [...]
[...] Les poètes expressionnistes rédigent des appels au combat, magnifiant la guerre qui devient un évènement grandiose un miracle Otto DIX est visiblement affecté par ce discours puisqu'il s'engage comme volontaire dans l'armée allemande. Sa motivation est bien le fruit, tant de la thématique présente dans ses œuvres que celle présente dans l'art militariste. En effet, Otto DIX n'est pas un nationaliste forcené ou un violent psychopathe ; mais il veut découvrir, expérimenter cette violence, vivre quelque chose de fort qui le fera connaître plus en profondeur ses semblables, tant pour sa connaissance en tant qu'homme, mais surtout en tant qu'artiste. Ainsi, il explique : Je ne suis pas un pacifiste. [...]
[...] Les futuristes voient également la guerre comme un facteur de renouvellement, de progrès, de dynamisme, face à une société bourgeoise qu'ils considèrent comme figée. En Allemagne plus spécifiquement, fleurit une littérature pro-guerre, la brandissant comme un besoin vital de la patrie durant laquelle celle-ci se révèlera et accomplira son destin. La science-fiction et la fiction sont utilisées comme outils de propagande avec pour objectif la mobilisation de toute une nation : déjà, l'aspect total de la guerre -en tant que mobilisation des corps, des âmes, de chacun- se profile. [...]
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