En 1925, la ville de Paris accueille l'exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. L'exposition regroupe de nombreux artistes français et étrangers, dans un total de 150 pavillons éphémères, vitrine de la modernité de l'époque. Ces artistes se divisent en deux tendances : la tradition réinventée et l'avant garde. Parmi eux, la peintre polonaise Tamara de Lempicka, artiste Art déco et figure clé des années folles, dont les représentations androgynes de la femme rappellent l'?uvre de l'américaine Romaine Brooks. C'est sur l'?uvre de ces deux femmes aux m?urs libérés que nous allons nous baser pour tenter de définir l'image de la femme en 1925, entre tradition réinventée et avant-garde (...)
[...] Mis à part ses amantes, les femmes de Romaine Brooks semblent presque toujours apathiques, hautaines et d'un autre âge. Pourtant, elles correspondent bien aux canons de l'époque, qui ne privilégient plus les femmes rondes, plantureuses, languides et lascives de la belle époque, mais les femmes filiformes, presque androgynes, aux cheveux courts à la garçonne, sportives, nerveuses et en mouvement, tout comme Sonia Langleu, expression de la mode de l'époque. Ce modèle correspond à celui de la première génération de femmes libérées prenant leur avenir en main et refusant de retourner au rôle de mère au foyer qui leur était assigné avant la première guerre mondiale. [...]
[...] En effet, toutes deux féministes, ce sont des femmes de leur temps qui se sont fait peintres de l'émancipation de leurs semblables, des années folles, du progrès et de la société mondaine. Ajoutant quelques éléments modernes à leurs œuvres, elles restent cependant dans la réinvention de la tradition, bien que Tamara de Lempicka ait produit des toiles mystiques proches de l'abstraction en fin de vie. Elles s'opposent en cela à Sonia Delaunay, autre artiste féminin de l'époque, qui prit le parti de l'avant-garde. [...]
[...] Or, cette période n'est pas celle de la femme objet, qu'il s'agisse de contemplation ou de désir, mais celle des années folles, marquées par l'émancipation des femmes, la libération des mœurs et le progrès technique, avec l'essor de la voiture, ou encore du téléphone. Ainsi, la femme de Tamara dans la Bugatti verte (1925) dirige l'engin comme elle dirige sa vie, avec détermination et assurance. Bien que l'œuvre ne donne pas une véritable impression de mouvement, elle évoque l'idée de la vitesse, thème phare de l'art du XXe siècle, et valut à Lempicka le surnom de divinité aux yeux d'acier de l'aire automobile Elle peint des femmes à son image, modernes, mais aussi sportives, sensuelles, énergiques et déterminées. [...]
[...] En outre, elle est prise d'engouement pour les travaux d'Ingres, et fut même qualifiée par la presse d' Ingres perverse en raison de son goût du portrait marqué par une façon si particulière de déformer les proportions et de la sensualité, la composition et la lumière de ses œuvres. Un critique de l'époque résuma d'ailleurs son style à Une lumière à la manière d'Ingres, du cubisme à la Fernand Léger, avec du rouge à lèvre Chanel Par ailleurs, Lempicka use de clairs-obscurs qui ne sont pas sans rappeler le Caravage. [...]
[...] Le fait que Tamara de Lempicka et Romaine Brooks soient bisexuelles explique peut être en partie l'érotisme des femmes qu'elles représentent, mais celui-ci est loin d'être nouveau dans l'art, comme nous venons de le démontrer. Il s'agit donc là aussi d'un héritage culturel. Les deux femmes ne nient d'ailleurs pas s'être inspirées des traditions, puisque si Lempicka affirme désirer qu'au milieu de cent autres elle veut qu'on remarque une de ses oeuvres au premier coup d'œil elle n'en est pas moins fière de son héritage culturel. [...]
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